Vétuste, la gare de Strasbourg-Roethig est depuis 2021 au cœur d’un projet de revalorisation des mobilités ferroviaires dans l’Eurométropole de Strasbourg (EMS). En jeu : répondre à une fréquentation grandissante et réduire l’usage de la voiture.
Moins qu’une gare, une halte. L’arrêt Strasbourg-Roethig est un tronçon de voie ferrée, à peine aménagé. Ses quais étroits sont disposés de part et d’autre du passage à niveau, faute de place pour les mettre face à face. Deux abris anti-pluie, un panneau d’affichage défectueux, une borne à tickets, un parking à vélos, "et même pas de banc pour s’asseoir", ajoute Patricia, pilier de gare depuis 2017.
Une ligne dessert la gare Strasbourg-Roethig : elle part de la gare centrale jusqu’à Sélestat. La moitié des trains s’arrête à Molsheim en passant par l'aéroport d'Entzheim. L’autre moitié rejoint le terminus via Obernai et Barr. Entre 2015 et 2023, la fréquentation de la halte de la Montagne-Verte a bondi de 35 %, pour atteindre 83 500 voyageurs en 2023. Une augmentation de 11 500 voyageurs sur cette seule année.
Cette croissance s’explique par la création du Réseau express métropolitain européen (REMe) en décembre 2022. Il a permis l’ajout d’une vingtaine de trains supplémentaires, portant à une cinquantaine le nombre total de rames desservant l’arrêt Strasbourg-Roethig tous les jours. De plus, l'amplitude horaire a été étendue de deux heures. En semaine, le premier train part à 5h40 de Roethig vers la gare centrale ; le dernier en provenance de Strasbourg arrive à 22h39.
© William Jean et Eva Lelièvre
Inaccessible aux personnes à mobilité réduite
Ozlem, secrétaire médicale, habite à Lingolsheim mais prend quotidiennement le train à la Montagne-Verte pour se rendre dans le centre de Strasbourg : "En voiture je mettrais 30 à 40 minutes", affirme-t-elle, contre quatre minutes de trajet en TER. Avec un trafic saturé et des bus bondés sur la route de Schirmeck, le rail apparaît comme une alternative bien plus rapide. Pourtant, des efforts restent à faire. Pour Katia Frank, citoyenne engagée dans le quartier, c’est une incompréhension : "La Ville veut moins de voitures mais ne met pas en œuvre les politiques adéquates pour optimiser les transports en commun." Elle pointe du doigt l’inaccessibilité de la gare pour les personnes à mobilité réduite et l’absence de parking : les automobilistes se garent sur celui du Auchan, qui est gratuit. "Il faut donner les moyens aux gens de changer leurs habitudes", ajoute-t-elle.
© William Jean
Loÿ Durrenberger, vice-président de l’Association des usagers des transports urbains strasbourgeois (Astus), fustige l’insécurité de la gare et ses infrastructures rudimentaires : "Les quais ne sont pas larges, les voyageurs ne se sentent pas en sécurité. En plus, certains trains passent sans s’arrêter, ce qui est dangereux."
L’Astus évoque également le "ticket unique" qui permet, en achetant un titre CTS, d’accéder également au REMe. Elle déplore que le dispositif mis en place depuis octobre 2024 ne soit pas accessible en dehors de l’application, excluant les personnes ayant peu accès au numérique.
Tous ces problèmes ont été remontés en conseil de quartier en 2019. En 2021, le conseil de l’Eurométropole intègre la revalorisation de la halte dans le projet plus général de modernisation des treize gares de l’EMS en pôles d’échange multimodaux (PEM). Elle permet aussi de faire face à l’augmentation de la fréquentation des bus strasbourgeois.
Un projet en "stand-by" depuis 2022
Selon Julien Hervé, de la direction des mobilités de la Ville, des études de faisabilité ont été réalisées, mais le calendrier reste à déterminer : "Le projet du PEM de Roethig est en stand-by. Il n’a pas évolué depuis le projet d’étude de 2022, faute d’avoir le foncier nécessaire à l’aménagement, et au vu du contexte budgétaire." La fermeture prochaine du magasin Auchan situé à proximité pourrait faire évoluer la situation.
André Lott, le directeur de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) du Grand Est, ajoute : "Plusieurs scenarii sont exposés pour améliorer l'attractivité et la sécurité de cette halte. Entre la suppression du passage à niveau qui correspond à l'option la plus pertinente et coûteuse, et les autres solutions, le choix s'avère délicat." Parmi les pistes avancées, un marquage au sol pour prolonger les trottoirs et un élargissement de la zone de franchissement du passage à niveau.
"Les quais ne sont pas larges, les voyageurs ne se sentent pas en sécurité", selon Loÿ Durrenberger à l'Astus. © William Jean
Pour le directeur de la Fnaut, augmenter le nombre de trains est difficilement envisageable : "C'est seulement une augmentation des capacités d'emport (plus de passagers par train) et des trains plus grands qui permettraient de satisfaire une demande plus importante à Roethig. La marge d'augmentation du nombre de trains sur la ligne est très faible : nous nous heurterons rapidement aux limites de capacité d’absorption des trains par la gare centrale."
L’engorgement ferroviaire devrait toutefois se débloquer grâce au projet de réaménagement de Strasbourg centre en "gare 360°". En élargissant la capacité d'accueil du réseau métropolitain par l’ouverture de nouvelles voies autour de la gare principale, la fréquentation sera amenée à augmenter, permettant à la halte de Roethig d’en bénéficier.
Carol Burel, William Jean et Eva Lelièvre