Délaissée par les habitants, la place d’Ostwald fait aujourd'hui office de parking. Associations et riverains rêvent d’un espace convivial, malgré les défis posés par une circulation omniprésente.
Il est simple de se frayer un chemin jusqu'aux étals du marché : les allées sont vides. Aucune bousculade, pas la moindre file d’attente. Il faut dire qu’il ne reste que six stands et les clients, eux, se comptent sur les doigts d’une main. "Ce serait bien qu’il y ait un ou deux commerçants de plus pour que le marché soit plus diversifié", confie Gaëlle, une marchande de volaille. Non loin de là, l’un des deux maraîchers présents ce jeudi appuie ce constat : "Il n’y a pas de mouvement, il manque une dynamique." Pour un des habitués, "il manque quelque chose, un boulanger par exemple".
L’ambiance tranche avec l'effervescence des marchés du boulevard de la Marne ou de la halle de Neudorf. Pourtant les choses n’ont pas toujours été ainsi. Un fidèle de la place d’Ostwald se remémore un temps révolu : "Il y avait plus de clients avant, mais la moyenne d’âge a terriblement augmenté." "Il n’y a pratiquement que des retraités", déplore le vendeur de la ferme Mischler. "Par le passé, il y avait une vingtaine ou une trentaine de stands", se rappelle Katia Frank, une habitante de longue date.
Pour Katia Frank, les prix élevés du marché expliquent sa faible fréquentation. © Maud Karst
Résident du quartier depuis deux ans, Guillaume Durousseau est l'un des piliers de l'association Transformons la place d'Ostwald (TPO). © Hady Minthé
"On n'a pas d'espace commun"
Quand l’heure vient de tout remballer, l’endroit redevient un parking, et le restera jusqu’au prochain marché hebdomadaire. Car la place d’Ostwald n’a de "place" que le nom. "On a envie de l’occuper cette place !", assure pourtant François Portal, le référent de la vie de quartier du centre socioculturel (CSC) : "C’est le seul et unique endroit central de ce quartier dans lequel il n’y a nulle part pour organiser des événements." Katia Frank souligne : "On n'a pas d’espace commun, on n’a que des gens qui se croisent dans la rue."
Motivés par l’envie de combler ce manque, certains habitants réclament le réaménagement de la place d’Ostwald. Leur idée : la transformer en un lieu de vie fédérateur au cœur du quartier. Ce désir est ancien. En 1990, un article des Dernières Nouvelles d'Alsace évoquait déjà cette volonté citoyenne : "Les associations de la Montagne-Verte souhaitent autre chose, s’attendent à mieux : une véritable place de quartier." Trois décennies plus tard, la question reste entière.
Cette fois, la demande est portée par Transformons la place d’Ostwald (TPO). Créée par des habitants vivant aux abords de la place, l’association regroupe de jeunes cadres avec enfants nouvellement arrivés et des retraités qui y résident depuis des décennies. Installé depuis deux ans à la Montagne-Verte, Guillaume Durousseau est devenu un pilier de TPO. "On aimerait que ça soit un espace un peu modulaire pour accueillir des manifestations culturelles, les fêtes de quartiers, tout ce que veulent faire les associations de riverains", précise-t-il.
La place d'Ostwald et ses abords. © Maud Karst et Hady Minthé
Réduire la circulation routière
L’initiative portée par TPO figure parmi les 80 propositions inscrites dans un projet de territoire lancé par la Ville il y a deux ans dans le but d’améliorer la vie du quartier. Hamid Loubardi, l’élu référent de la Montagne-Verte, est favorable à un réaménagement. Il y voit la possibilité de "végétaliser la place et de la protéger des voitures qui circulent", et aussi l’occasion "d’apporter une certaine sérénité". Cependant, le projet se heurte à un obstacle de taille : la circulation sur la route de Schirmeck, un axe emprunté chaque jour par plus de 20 000 véhicules. Nadine, secrétaire du cabinet vétérinaire situé sur la place, exprime de gros doutes : "Avec toutes ces voitures, je ne vois pas qui aurait envie de s’asseoir là."
"Nous voulons faire de cette route une rue", explique Guillaume Durousseau. Réduire le flux de voitures nécessite de trouver des solutions à l’échelle de l’Eurométropole, puisque plus de la moitié des véhicules qui y circulent proviennent d’autres communes. Une autre piste consisterait à réduire la vitesse grâce à des passages piétons qui favoriseraient des arrêts fréquents. "Si cela ne dépendait que de moi, je fermerais la route d’un bout à l’autre. Mais ce n’est pas possible, il faut faire avec", déplore Hamid Loubardi.
Maud Karst et Hady Minthé