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Le long de la route de Schirmeck, six barbershops se succèdent sur 900 mètres. Parmi eux, HDR Barber fait office d’exception. Ouvert à des heures tardives au bon vouloir du patron, le petit salon est toujours plein. Ambiance un vendredi soir.

"Vers 17h30, il va y avoir du monde", assure Chadi Hadri, propriétaire de HDR Barber. À seulement 21 ans, le gérant, crâne rasé et carrure imposante, a racheté le fonds de commerce en septembre 2023. Le barbershop est situé au 161 route de Schirmeck, à moins de 50 mètres du domicile du jeune homme. Chaque matin, il annonce sur Snapchat les horaires d’ouverture du jour. Ce vendredi après-midi, période de forte affluence, il a décidé de fermer à 20h30. Mais pour le moment, le petit salon est calme : pendant qu’un client se fait coiffer, les deux alternants Marouane et Yanis, installés aux deux autres postes de coiffure, ont le nez rivé sur leur téléphone.

Quelques minutes plus tard, la porte du salon s’ouvre sur cinq jeunes hommes habillés en noir de la tête aux pieds. Serrage de main franc avec tous les clients, accolade amicale avec les trois barbers. "Tu vois, une Clio 2 arrive et y’a que des parasites", blague Chadi Hadri. Le groupe vient se faire couper les cheveux pour la baby-shower organisée par le cousin de l’un d’entre eux, Nasser. Pour la bande, se rendre chez HDR Barber est un moment de partage : "On vient toujours avec des potes, c’est très rare que je vienne tout seul", confie Amine. Ils vivent tous au Port-du-Rhin et font le trajet pour Yanis, l’un des alternants, mais aussi pour "la musique et la bonne ambiance" qui règne dans le salon.

Pendant que Nasser et Amine se font coiffer, Enzo, Hamza et Ahmed s’installent sur le canapé en similicuir qui fait face aux postes de coiffure. Ils font des allers-retours vers l’extérieur pour téléphoner ou vapoter. Adossés au mur en fausse pierre grise, Enzo et Hamza sirotent leur canette d’Ice Tea framboise. L’enceinte crache des morceaux de rap français et les voix se font plus fortes pour couvrir les basses. Barbers et visiteurs parlent du prochain concert de SDM, du spectacle de Redouane Bougheraba, échangent leurs avis sur des influenceuses…

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Le gérant du salon, Chadi Hadri, au téléphone avec des clients devant son barbershop. © Augustin Brillatz

Les différents barbershop de la Montagne-Verte. © Augustin Brillatz et Thomas Dagnas

Un lieu de passage majeur dans le quartier

Dans un coin de la pièce, adossé au bac à shampooing cassé et couvert de poussière, Imad, habitant du quartier, observe. "Je suis déjà venu me faire coiffer ce matin, je viens ici juste pour discuter, explique l’étudiant en BTS électrotechnique. Dans le quartier, c’est le lieu où ça bouge le plus." Marouane et Yanis ont tourné les sièges dos au miroir pour que leurs clients puissent participer aux discussions. Nassim improvise des pas de danse en chantant sur El Gemano de Genezio.

18h15. Les cinq amis quittent le salon. Le bruit des tondeuses et des sèche-cheveux reprend. Changement d'ambiance. Une poignée de personnes passe en coup de vent saluer le gérant des lieux. Un homme âgé franchit le seuil. Il porte la moustache et un jogging bleu marine. Il s’approche de Chadi Hadri, lui dit quelques mots en arabe, puis repart aussi sec. "C’est mon père, explique-t-il. Il passe tous les jours nous voir." Peu après, un enfant passe sa tête par la porte : "Je viens juste dire Salem !" "Mohammed, tu nous as dit ‘Salem’ 200 fois aujourd’hui", lui répond gentiment Chadi Hadri, sourire toujours vissé aux lèvres.

Dans le fond du salon, contre le mur végétal qui décore la pièce, Ulas, assistant d’éducation, se livre sur sa relation avec le patron : "Si j’avais le temps, je viendrais tous les jours pour Chadi." Son ami Fatih abonde : "On vient pour Chadi, on fait que rigoler avec lui, on vient pour décompresser après le travail." Le jeune entrepreneur ne s’en cache pas : "Je veux mettre à l’aise les gens. Pour certains, c’est un moyen de sortir de leur tanière."

Le flot de personnes est continu : quand Fatih et Ulas quittent le salon après une petite heure de bavardages, c’est Salahdine qui entre. L’homme dépose une mallette argentée au sol avant de s'asseoir dans un siège de coiffure. Il est bientôt suivi par Amine, Medhi et Zied, qui pénètrent dans le barbershop vers 19h45.

Un patron chef d'orchestre

Amine est le seul à se faire couper les cheveux. Medhi, bonnet enfoncé sur le crâne, taquine le propriétaire : "Chadi il a changé hein, il fait des interviews maintenant !" s’exclame Zied. "L’écoutez pas, il est sous snus (tabac à chiquer, ndlr) !" rétorque le patron. La discussion devient plus sérieuse lorsque Salahdine, apprenti dans un autre salon de coiffure, se met à débriefer sa journée de travail. Chadi Hadri prodigue ses conseils : "T’arrêtes le CAP, tu bosses et t’ouvres ton salon comme moi !" Dans cette assemblée exclusivement masculine, le jeune homme endosse tour à tour le rôle du patron exigeant, du chambreur ou du grand frère.

Pendant ce temps, Amine, couvert d’une cape protectrice blanche estampillée du logo HDR Barber, est installé face au miroir. Emporté par la discussion, Chadi Hadri pose sa tondeuse, quitte le poste de coiffure et s’installe au bac à shampooing défectueux. Il embraye en racontant toutes les étapes de son parcours. Pour sa coupe, Amine devra encore attendre un peu.

Augustin Brillatz et Thomas Dagnas

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Pendant qu’Hamza se fait coiffer, Chadi Hadri improvise quelques pas de danse sur du raï. © Thomas Dagnas

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