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L’Eurométropole répertorie la rue des Foulons et la route de Schirmeck comme des "points noirs du bruit", soumis à un volume de décibels considéré comme nocif. Des solutions existent mais elles coûtent cher.

Des immeubles colorés bordent la rue des Foulons et des palissades de 5 mètres de haut bouchent l’horizon. Derrière, c’est l’autoroute. Le mur a été construit il y a dix ans pour réduire le niveau de décibels (dB) engendrés par l’A35, renommée depuis M35. Malgré les aménagements, la rue des Foulons est toujours considérée comme un “point noir du bruit”.

La classification regroupe les bâtiments sensibles au bruit, dont l’exposition en façade dépasse les 68 dB en journée et 65 dB la nuit. "Quand les gens viennent, ça les dérange, mais nous, on a l’habitude", raconte Carmen Eschbach, qui habite au numéro 6 depuis plus de trente ans.

Quand l’habitude masque les risques

"Le problème, c’est vraiment l’accumulation", met en garde David Écotière, chercheur en acoustique au Centre d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et les aménagements (Cerema). "Si j’habite à côté d’une autoroute, ça fait du bruit, mais le lendemain, je ne vais pas être mort. Les premiers jours, le rythme cardiaque peut un peu augmenter, la tension aussi, et au bout de quelques mois on a l’impression qu’on est habitué mais il y a certains paramètres physiologiques qui, eux, ne reviennent pas à la normale." 

L’impact de la pollution sonore sur la santé est de mieux en mieux documenté. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande des seuils limites à ne pas dépasser, bien plus stricts que ceux qui existent en Europe : 53 dB en journée pour les nuisances routières contre 68 dB. D’après l’indicateur Daly (disability adjusted life year) utilisé par l’OMS, qui estime l’impact du bruit sur la santé, à la Montagne-Verte, les habitants du quartier perdent en moyenne quatre à cinq mois de vie en bonne santé à cause de la pollution sonore. C’est plus que les trois mois en moyenne dans l’Eurométropole de Strasbourg (EMS), mais deux fois moins qu’en Île-de-France (10,7 mois par habitant).

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De sa cuisine, Carmen Eschbach a vue sur le mur anti-bruit qui borde la M35. 
© Pauline Moyer

Comment mesure-t-on le bruit ?

Les Plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE), rendus obligatoires par l’Union européenne en 2002, s’accompagnent de cartes du bruit, qui modélisent l’exposition des territoires à la pollution sonore. Dans la zone Montagne-Verte-Elsau, ce sont 985 logements qui sont directement impactés. En France, 9 millions de personnes sont exposées à des volumes excessifs. 

Le bruit se caractérise par son intensité, exprimée en décibel : 65 dB correspondent par exemple à un milieu bruyant comme une salle de classe ou 80 dB à l’aboiement d’un gros chien. Le niveau moyen du bruit pendant une journée entière se base, lui, sur un indicateur européen, le Lden (day, evening, night). Pour produire des statistiques fiables, les experts utilisent des modèles numériques capables de brasser une importante masse de données issues de prises de mesure. Si un son augmente de 10 décibels, cela revient non pas à ajouter dix unités, mais à multiplier la puissance sonore, et donc l’inconfort, par 10.

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La route de Schirmeck est un des points centraux du trafic routier à la Montagne-Verte. © Pauline Braunstein

Des aménagements pour diminuer le bruit

Certains aménagements acoustiques ont déjà été mis en place par l’État. Franck Rolland, propriétaire de l’hôtel Strasbourg Montagne Verte, a ainsi reçu il y a sept ans une subvention pour changer toutes les fenêtres du dernier étage de son établissement donnant sur l’autoroute. "Elle fait peur, mais ce n’est pas la principale nuisance", relativise l’hôtelier, davantage préoccupé par le voisinage. Depuis 2021 et le reclassement du tronçon, la lutte contre la pollution sonore n’incombe plus à l’Etat mais à l’EMS.

Route de Schirmeck, c’est la même cacophonie. "Pour nous, c’est une route prioritaire", explique Mohamed Meziane, ingénieur acousticien à l’EMS : "Elle coche toutes les cases." L’axe apparaît comme une préoccupation majeure dans le Plan de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) de 2022, une étude qui doit être réalisée tous les cinq ans par les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Les rénovations phoniques nécessaires à cette artère se chiffrent à 3,7 millions d’euros. 

Il existe plusieurs leviers d’action : diminuer la source du bruit, adapter le milieu de propagation ou renforcer l’isolation des façades. Le PPBE, accessible publiquement, propose un diagnostic par zone mais ne contraint en aucun cas l'Eurométropole à agir. Pour Mohamed Meziane, la solution la plus pragmatique consiste à subventionner des audits mixtes pour les résidents des "points noirs du bruit". Dans la plupart des cas, les rénovations acoustiques s’incluent dans des projets d’isolation thermique, permettant d’optimiser les dépenses. "On leur donne un audit détaillé, avec lequel ils consulteront l’entreprise de leur choix."

À l’échelle nationale, la pollution sonore générerait à elle seule un coût sociétal de 147 milliards d’euros, selon une étude menée en 2021 par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Pour David Écotière, "c’est monstrueux. Quand on voit les ordres de grandeur et les enjeux, clairement, on n'est pas à la hauteur".

Pauline Braunstein et Pauline Moyer

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