La crèche multi-accueil et la crèche familiale de la Montagne-Verte ont traversé une période de crise à la rentrée de septembre. Confrontées à des départs imprévus dus à l'attractivité des écoles maternelles et des micro-crèches, les directrices ont dû redoubler d'efforts pour combler les places vacantes. Ce n'est que mi-novembre qu'elles ont atteint leur capacité d'accueil.
De part et d’autre des salles s’échappent de légers gémissements et des bruits de pas. Il est 15h30, fin de la sieste et coup d’envoi du goûter à la crèche multi-accueil, au nord-est du quartier de la Montagne-Verte, à Strasbourg. Les enfants, bavoir autour du cou, se précipitent vers les petites tables en bois éparpillées dans les quelques salles.
Chacun réclame son biscuit, son fruit et son verre de lait en tendant les bras. "On patiente, je ne suis pas un robot. Je n’ai pas envie de me couper les doigts !", sermonne sur un ton posé la puéricultrice pendant qu’elle épluche les kiwis. Les quatre professionnelles, qui multiplient les allers-retours pour piocher les aliments dans le chariot, doivent s’occuper de 67 enfants affamés cet après-midi-là. Deux semaines auparavant, ils n’étaient pourtant que 48.
Pendant plusieurs mois, la crèche multi-accueil a tourné au ralenti. Sur les 68 places disponibles, seules une trentaine étaient occupées à la rentrée scolaire. Le centre craignait d’enregistrer une baisse des aides financières de la Caisse d’allocations familiales (CAF), calculées sur la base du nombre d’enfants accueillis. Concernant les places vides, Geneviève Petit, la directrice, s’inquiète de la concurrence avec les autres lieux de garde dédiés à la petite enfance.
En plus des micro-crèches, certaines écoles maternelles, comme Gutenberg et Erckmann-Chatrian, accueillent des enfants dès l’âge de 2 ans. "Le grand est scolarisé à côté. C’est tellement pratique ! Je n’ai pas à faire des allers-retours. Un vrai gain de temps et d'argent", se réjouit un père de famille venu déposer son fils à Erckmann-Chatrian. L’école a mis en place ce dispositif en 2013. Gutenberg, lui, l’a depuis plus de deux décennies. De son côté, Gliesberg déplore un manque de locaux pour recevoir les plus jeunes. Ce dispositif devrait s’élargir à l’ensemble des quartiers prioritaires en France d’ici 2027, a annoncé le président Emmanuel Macron le 26 juin 2023.
"On aurait cru faire du porte-à-porte"
Au total, Geneviève Petit déplore la perte de 14 contrats d’enfants âgés de 24 mois. Une situation qu’elle n’avait pas anticipée, tout comme sa consœur de la crèche familiale, située dans le même bâtiment.
Vingt-cinq tout-petits ont quitté l’établissement début août, lequel fonctionne sur le modèle des gardes à domicile chez une assistante maternelle, avec des temps de regroupement collectifs. "Il y a toujours des départs inattendus, mais cette année, le nombre a été très important. Une moitié de crèche en moins, cela se ressent", confie Marie Laude, la responsable, en charge d’un contingent de 17 assistantes maternelles.
Face à cette situation exceptionnelle, les deux directrices ont dû réagir rapidement. Chacune a demandé la liste élargie, celle des parents encore sans réponse et dont les premiers choix s’étaient portés ailleurs. Un véritable travail de démarchage, que Geneviève Petit raconte avec le sourire : "On aurait cru faire du porte-à-porte : 'Toc, toc, j’ai des places disponibles ! Est-ce que vous êtes intéressés ?'"
À la crèche multi-accueil située quai du Brulig, les parents peuvent déposer leurs enfants de 7h30 à 9h. © Camille Carvalho
Tarifs pour une journée de garde de 8h à 17h
Crèche multi-accueil, crèche familiale et maison de la petite enfance : de 3,51 euros à 35,01 euros (en fonction des revenus calculés à partir du barème national de la Cnaf).
Micro-crèche Le Petit Bois carotte : de 4,86 euros à 32,85 euros (en fonction des allègements de la CAF et des crédits d’impôt).
École maternelle Gutenberg et Erckmann-Chatrian : gratuit, dès 2 ans.
École maternelle Gliesberg : gratuit, dès 2 ans et demi.
Une problématique qui ne touche pas toutes les structures du quartier. La Maison de la petite enfance, au centre-ouest du quartier de la Montagne-Verte, affiche complet depuis septembre. Danielle Sansig, la directrice, affirme ne pas avoir rencontré de problème : "Pour notre établissement, il y a toujours une liste d’attente et de la demande. Après, c’est aux familles de faire leur choix."
La micro-crèche du Petit Bois carotte accueille jusqu'à 14 enfants par jour. © Moncef Arbadji
D’autres structures attractives
De plus en plus de parents se tournent vers les micro-crèches pour leur cadre plus intime. Surtout, cela leur permet d’éviter le stress du tirage au sort et les démarches administratives complexes des crèches municipales. "Quand on est un couple de parents qui travaillent, on n’est pas prioritaire. On reçoit très tard la réponse des crèches départementales. Je n’ai pas pris le risque de me retrouver sans place, je me suis directement tournée vers la micro-crèche", explique Aurélia Amri, maman du petit Adam, qu’elle récupère chaque jour vers 17 heures au Petit Bois carotte, la micro-crèche située au 114 route de Schirmeck.
Malgré ces obstacles, les crèches multi-accueil et familiale font preuve de résilience et anticipent. Geneviève Petit prévoit de faire du surbooking : "Sur une section de 24 places, je sais que dix enfants partiront. Alors je vais en prendre 17 ou 18 pour m’assurer de remplir, quitte à les redistribuer dans mes deux autres sections."
Moncef Arbadji et Camille Carvalho
Répartition des établissements d'accueil dédiés à la petite enfance. © Moncef Arbadji et Camille Carvalho