Elle est à la fois le cœur battant du quartier et le principal souci de la Montagne-Verte. La route de Schirmeck, avec son trafic constamment engorgé aux heures de pointe, ralentit les automobilistes et pèse sur le quotidien des habitants.
"C’est tout le temps la merde." Comme cet épicier riverain, tout le monde a quelque chose à dire sur la route de Schirmeck, et ce n’est jamais pour en chanter les louanges. Selon le Sirac, l’organisme chargé de la sécurité routière et de la mobilité dans l’Eurométropole de Strasbourg, 21 000 voitures passent quotidiennement sur l’axe central de la Montagne-Verte, alors que le quartier ne compte qu’un peu plus de 12 000 habitants. Résultat : un trafic continuellement dense aux heures de pointe, observable en temps réel sur Open Data Strasbourg.
Le point noir du quartier
D’après les chiffres de l’Insee de 2017, près d’un riverain sur deux utilise régulièrement la voiture pour se déplacer. Au volant de sa Clio grise, Josiane Schohn s'est arrêtée quelques minutes sur le parking de l’école du Gliesberg. Domiciliée à l’entrée de Lingolsheim, elle explique prendre la route deux fois par semaine pour rejoindre Strasbourg, toujours vers 8h. "Ce matin, le trajet m’a pris vingt minutes au lieu de cinq sans bouchons."
Lorsqu'elle travaillait comme serveuse à la Meinau, Adrienne Simon devait partir bien plus tôt pour éviter les embouteillages : "Parfois, je devais attendre vingt minutes dans ma voiture sur le parking. Ça me stressait d’arriver en retard. Même si le patron était indulgent, c’était mal vu."
Aux abords de l’arrêt de bus Gliesberg, les embouteillages sont quotidiens. © Zoé Fraslin
Certains font le choix d’éviter cet axe engorgé. Moniteur d’auto-école, Fabrice Abenin travaille à l’agence de la Montagne-Verte depuis 2014. Il évite soigneusement de faire passer ses clients par la route principale : "Même pour les élèves confirmés, c’est impossible de travailler parce qu’on n’avance pas."
"C’est le principal point noir du coin", confirme François Portal, chef de projet au centre socioculturel et référent "vie de quartier". Il voit le secteur comme "un faubourg coincé entre deux faubourgs", point de passage depuis Lingolsheim et Ostwald pour rejoindre Strasbourg ou accéder à l’autoroute A35. Mais pour ce qui est d’agir, "cela implique aux communes de se mettre d’accord politiquement et budgétairement". Pour l’heure, la route n’a connu comme aménagement majeur que l’ajout des voies de bus sur certaines portions, il y a maintenant une dizaine d’années.
Quarante covoitureurs chaque matin
Pourtant, réduire le flux de voitures sur cet axe est un enjeu majeur pour les habitants. Consultable sur la place d’Ostwald, un livret de 80 propositions visant à améliorer le quartier cite la route de Schirmeck en tête des priorités en matière de sécurisation des déplacements. Officieusement, cette feuille de route est un moyen de remettre le quartier à l’agenda de la mairie. La Montagne-Verte est la grande oubliée des politiques publiques selon ses habitants. Mais le directeur de territoire, François Desrues, reconnaît que "ce n’est pas forcément dans ce mandat qu’il y aura des transformations en profondeur de la route".
Des idées, les citoyens en ont. Certains prônent le covoiturage, facilité par l’application Karos, qui a été mise en place par l’Eurométropole. Elle compte chaque matin en moyenne 40 covoitureurs réguliers traversant le quartier. Au centre socioculturel, c’est le vélo qu’on encourage, avec l’organisation l’été dernier d’ateliers pour apprendre à pédaler aux femmes vivant dans les quartiers prioritaires. Le tram est régulièrement évoqué, et ce depuis longtemps, pour faire reculer l’utilisation de la voiture. L’ambition a toujours été freinée par les experts de la collectivité pour des raisons techniques, notamment l’étroitesse de la route. Cependant, la mairie est actuellement engagée sur des travaux de tramway pour désengorger d’autres grands axes, à l’instar de la route des Romains où la Ville espère passer de 15 000 véhicules par jour à moins de 10 000. "Il faut certainement être à un niveau d’ambitions comparables sur la route de Schirmeck, mais sans le tram", admet François Desrues. Preuve, pour François Portal qui se fait l’écho des habitants, qu’il s'agit principalement d’un manque de volonté politique.
Diarouga Balde et Zoé Fraslin
Cartographie des zones d’engorgement de la route de Schirmeck construite à partir des données trafic du Sirac sur Open Data Strasbourg. © Diarouga Balde et Zoé Fraslin