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Relance de l'économie européenne : la Commission brouille les pistes


13 février 2025

Retard dans la course technologique, concurrence de la Chine et des États-Unis, énergie trop chère. C’est dans ce contexte économique tendu que la Commission est venue présenter sa feuille de route pour l’année 2025 : un programme timide de simplification et d’investissement pour relancer la compétitivité.

C’est la présidente Ursula von der Leyen qui devait présenter le programme de la Commission européenne devant les députés européens ce mercredi 12 février. Elle a envoyé pour cela Maroš Šefčovič, commissaire européen chargé des relations internes.  "On est très nombreux ici à se demander pourquoi la présidente de la Commission n’est pas là aujourd'hui", a lancé Valérie Hayer, cheffe de groupe centriste. "Peut-être rougit-elle ?" s’est demandé Martin Schirdewan, porte-parole du groupe des partis d’extrême gauche (La Gauche, extrême-gauche). La Commission a justifié qu’elle avait "des impératifs à Bruxelles", mais ça n’a pas convaincu les parlementaires qui se sont divisés sur les annonces de l’exécutif européen. 

Améliorer la compétitivité des entreprises 

Pour 2025, Bruxelles souhaite avant tout retirer les obligations administratives imposées aux entreprises, au nom de la compétitivité. "Nous devons privilégier l’esprit d’entreprise, faire en sorte que les règlements européens ne créent pas de surcoût inutile ni de millefeuille administratif", a martelé la Commission. Le plan de "simplification" touchera plusieurs textes importants du Pacte Vert dès le premier trimestre 2025. Le règlement REACH (central dans la régulation de l’industrie chimique), la Politique Agricole Commune (PAC) ou encore des textes sur la cybersécurité seront modifiés plus tard dans l’année. 

Autre priorité, relancer l'investissement privé, en soutenant les petites et moyennes entreprises (PME) et en maintenant les objectifs de neutralité carbone pour 2050. La Commission s’appuie sur l'objectif fixé par les chefs d’États européens de réduire de 25% les "obligations de déclaration" des entreprises et sur le rapport Draghi de septembre 2024, qui considère la simplification des lois européennes comme un moteur de croissance.

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Le commissaire européen Maroš Šefčovič devant l'hémicycle, pour présenter la feuille de route 2025 de la Commission. © Alain Rolland

Une réponse, également, aux "doléances des entrepreneurs" selon les mots de M. Šefčovič, et à celles des agriculteurs, vent debout contre la charge administrative imposée par la PAC. L’initiative questionne les différents partis d’opposition, qui voient derrière la "simplification" un moyen de revenir sur les acquis. C’est "un mot qui cache des divergences de vues", selon Karel Lannoo, du think thank Centre for European Policy Studies (CEPS). 

Un des enjeux de l'année 2025 pour l'Union européenne : faire face à la concurrence internationale. © Chappatte pour Arte

Simplification ou retour en arrière ?

Pour Thomas Pellerin-Carlin, député Social et Démocrate (S&D, gauche) proche du dossier, "on dé-réglemente en 2025 ce qui a été mis en place en 2023, ça ne fait pas sens". En opérant autant de va-et-vient législatifs, la Commission abandonne un avantage compétitif : celui d’être prévisible et constant dans sa réglementation selon l’eurodéputé. Même si l’exécutif européen n’a pas abandonné ses grands objectifs de neutralité carbone en 2050, "[elle] n’a plus de vision", selon David Cormand (député du groupe Les Verts/Alliance Libre Européenne, gauche). Les groupes S&D et La Gauche regrettent aussi l’impasse de la Commission sur les thématiques sociales comme le logement digne, le bien-être social ou les services publics. Pour Aurore Lalucq (S&D, gauche), la Commission européenne est déconnectée des préoccupations des entreprises : les petits changements de texte sont des débats propres à la "bulle bruxelloise", mais s’il n’y a pas de projets innovants, d'investissements publics ou une baisse du prix de l’énergie, "l’épargne reviendra toujours aux États Unis".

C’est aussi parce qu’elle interprète autrement le rapport Draghi : pour elle, la compétitivité résulte d’un soutien à la réindustrialisation et à l’innovation - et non pas d’une dérégulation. 

La satisfaction de l’extrême droite

L’appel tous azimuts à la déréglementation séduit cependant les groupes d’extrême droite, sortis en position de force des dernières élections. Nicola Proaccini, le vice-président du parti des Conservateurs et Réformistes Européens (ECR, extrême-droite, conservateurs), dont le parti Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni est membre, a affirmé devant l’hémicycle : "Le programme de travail de la commission comprend des thèmes avec lesquels nous sommes tout à fait d’accord : relancer la compétitivité, exiger une simplification, porter attention à la sécurité". Ce programme de l'exécutif européen risque ainsi d'ouvrir la voie à une entente entre l'extrême droite et le Parti populaire européen (PPE, droite), majoritaire dans l'hémicycle.

Mathis Nicod et Zoé Vannarath

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