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Enfants européens en attente de filiation


13 février 2025

Débattu en fin de session plénière,  un projet de loi vise la mise en circulation d’un certificat européen de filiation pour les enfants issus de couples de mêmes sexes. Depuis deux ans, les pays européens s'y opposent et l'extrême droite en fait son cheval de bataille.

"Sur l’égalité de tous les enfants de l'Union européenne, il faut continuer le débat et faire bouger les lignes", exhorte Manon Aubry, co-présidente du groupe d’extrême gauche (La Gauche) au Parlement, face au blocage des pays européens, au conseil de l'UE. Elle fait référence à la création d’un certificat européen qui consiste à reconnaître, de manière égale, le statut de parent dans toute l’Union européenne. "Si vous êtes parents dans un pays, vous êtes parents dans tous les pays", avait déclaré la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen lors de la présentation de ce certificat européen, en 2020. Celui-ci vise à garantir aux parents et aux enfants, la reconnaissance de leurs droits filiation dans tous les pays de l’Union. Parmi eux le droit à une identité, le droit de succession, le droit à la vie privée et familiale, ou encore le droit alimentaire.

Ce jeudi, dans l'hémicycle très peu de députés étaient présents. © Photo de PNW

Plus de 2 millions d’enfants sur le territoire européen seraient concernés selon les chiffres de la Commission. Cette mesure "pourrait permettre à de nombreuses familles d’éviter des situations complexes et stressantes", comme le rappelle Nicolas Farget, porte-parole de l’association Association des Parents Gays et Lesbiens (APGL) qui agit pour la reconnaissance légale de l’homoparentalité en France et à l’international. Selon lui, introduire un certificat européen de filiation s’avère primordial pour les familles homoparentales. Ces dernières sont confrontées à des situations juridiques incertaines, des discriminations et des difficultés administratives lorsqu’elles effectuent un changement de domicile transfrontalier : "C’est arrivé qu’une famille homoparentale voyage en Hongrie et qu’elle ait des problèmes à la frontière. Ce n’est pas normal", ajoute le porte-parole.

Un blocage qui s’enlise

D’ordinaire, ces questions de droit civil relèvent de la compétence nationale de chaque État. Néanmoins le caractère transfrontalier de cette loi autorise l’UE à légiférer sur la question. Seule condition : les pays européens doivent l'adopter à l'unanimité. Or, l'Italie de Giorgia Meloni et la Hongrie de Viktor Orbán font partie des pays qui bloquent la législation. Pour eux, l’adoption d’une telle loi empiéterait sur la souveraineté des pays membres dans ce domaine. Elle serait aussi perçue comme une manière déguisée de forcer la légalisation de la Gestation pour autrui (GPA) au niveau national et de reconnaître le droit des enfants nés par GPA. Comme celle-ci n’est pas reconnue dans ces pays, elle irait à l'encontre de leurs législations, qui offrent jusqu'à présent une protection juridique limitée, voire inexistante, aux familles queer. 

Cette opposition des pays européens a été soutenu à l'extrême droite de l'hémicycle. Beaucoup d'eurodéputés ont dénoncé ce certificat et la reconnaissance de la GPA. "L'utérus de la femme n’est pas un objet de commercialisation", s’est insurgé Paolo Inselvini, député du groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR, extrême droite, conservateur). "Il ne faut pas laisser l'extrême droite s’emparer de ces sujets", a soutenu la député Fabienne Keller (Renew, centristes) qui, continue avec ses collègues de gauche et d'extrême gauche, de soutenir la législation.

Dans ce climat, la capacité des États membres à trouver un accord pour voter à l'unanimité l’adoption de ce projet de loi est donc remise en question. La prochaine réunion à ce sujet, entre les 27 ministres européens, se tiendra à Bruxelles, le 17 mars 2025.

Alizée Grides, Maud Karst

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