13 février 2025
L’Union européenne patine sur les questions environnementales depuis la réélection de Donald Trump le 20 janvier 2025, et son retrait de l’accord de Paris. Les eurodéputés ont débattu de ce nouveau tournant aux airs de déjà-vu, de la première puissance mondiale.
"Drill baby drill", ("fore bébé, fore") ! s'exclamait Donald Trump pendant sa campagne. Il l’a réaffirmé pendant l’investiture présidentielle, annonçant la couleur de sa politique : l’indépendance énergétique américaine au détriment du climat. À peine élu, il en a profité pour signer de nombreux décrets dont le processus de sortie des États-Unis, le deuxième principal pays émetteur de gaz à effet de serre, de l’Accord de Paris. Ratifié par 196 parties, dont l’Union européenne, lors de la COP 21 de 2015, ce traité international vise à limiter l’augmentation de la température à 1,5C°.
Un Parlement européen divisé sur les questions climatiques
Dans l'hémicycle, les eurodéputés ont cherché une réponse à apporter à la sortie de Trump de cet ambitieux accord sur le climat. Plus d'une heure de débat ont révélé des positions irréconciliables. Chez les Verts/Alliance libre européenne (ALE, gauche), les Socialistes & Démocrates (S&D, gauche) et au Groupe de la Gauche (GUE/NGL, extrême gauche) les voix sont à l’unisson : l’Union européenne doit prouver qu’elle respecte ses engagements en matière de politiques environnementales et s’affirmer face à la politique égoïste du président américain. L’eurodéputé suédois Jonas Sjöstedt GUE/NGL affirme : "Nous devons répondre aux provocations de Trump en imposant des droits de douanes pour les produits qui consomment trop". Tout en regrettant la prise de position de Donald Trump, Renew (Centre) et le Parti populaire européen (PPE, droite) semblent vouloir maintenir un dialogue avec les États-Unis. Quant aux trois groupes d’extrême droite du Parlement, ils entendent imposer leur vision du monde.
Ondřej Knotek eurodéputé Patriotes pour l’Europe (PfE, extrême droite) se réjouit de l’ouverture d’une "ère post Accord de Paris" tandis que Anja Arndt du groupe L’Europe des nations souveraines (ESN, extrême droite) dénonce la fin d’une "fable climatique", qu’il convient de "célébrer". Ces mouvements populistes adoptent des positions climatosceptiques qui s'étendent comme une "tâche d'huile" selon Géraud Guibert, président de la Fabrique Ecologique, un think et do-tank transpartisan. L'expert préconise de continuer à mobiliser les populations modestes qui se détournent des problématiques environnementales et de faire de l’écologie une priorité.
Une réponse moins tranchée qu’en 2020 qui déçoit les Verts
Neutralité carbone à l’horizon 2050, réduction des gaz à effets de serre pour 2030 et fin des voitures thermiques en 2035, l’ambition du Pacte Vert, signé en 2021, donnait à l’Union européenne un leadership sur les questions environnementales. Cette mesure emblématique a été prise en réaction au retrait, en 2020, de Trump de l’Accord de Paris, accord finalement réintégré par Joe Biden. Si la réponse avait été ferme à l’époque, elle le semble aujourd’hui beaucoup moins. Hadja Lahbib, commissaire européenne, a conclu ce débat par un discours conciliant : "Nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter à l’ordre mondial changeant, et espérons que les États-Unis réalisent qu’il en va de leur intérêt de réintégrer l’Accord de Paris." Et n'a pas que très peu évoqué le Pacte Vert européen.
Mauvais présage
Désabusés, les Verts critiquent la réaction de l’Union européenne depuis l’annonce de Trump. "On est un peu comme des glands", ironise David Cormand. Selon lui, l'Europe est attentiste et les prochaines étapes restent floues. Surtout qu’au sein du Parlement européen, les rapports de force politique ont changé et mettent en péril ce leadership écologique. Les Verts, qui ont perdu 19 sièges aux dernières élections législatives de 2024, devront envisager des alliances avec le S&D, La Gauche, Renew et le PPE, notamment pour protéger le Pacte Vert. David Cormand explique : "Ça va être dur, moins il y a d’élus écologiques, plus le Pacte est menacé" et continue-t-il, entre les "anti-écolo" et les défenseurs de la "déréglementation" ce programme écologique phare apparaît fragilisé. Quant à sa collègue belge du même groupe, Saskia Bricmount, elle déplore : "On a tout en main, la colonne vertébrale est là, mais l’Union ne donne pas une figure rassurante." Pour les Verts, l’Union européenne est encore loin d’une position forte pour tenir tête à Donald Trump.
Stéphanie Ghacibeh, Iris Pavie, Esther Sarazin