13 février 2025
Ce mardi 11 février au Parlement européen s’est tenu un débat sur la stratégie économique à adopter face aux États-Unis : protectionnisme ou multilatéralisme. La veille, Donald Trump a annoncé de nouveaux droits de douane sur l’acier et l’aluminium impactant l’Union.
Dans l’hémicycle du Parlement européen, les solutions diffèrent mais l’interrogation reste la même : qu’attend la Commission européenne pour réagir aux nouveaux droits de douane américains imposés aux Vingt-Sept ? À la tribune, Manon Aubry (La Gauche, extrême gauche) exhorte Ursula von der Leyen à réagir : "Trump veut nous dépouiller et c’est tout juste si vous ne tendez pas l’autre joue." De l’autre côté de l’hémicycle, Klára Dostálová (PfE, extrême droite) ironise sur la lenteur de la Commission.
À partir du 12 mars, l’administration américaine imposera des droits de douane de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium. Washington engage ainsi un bras de fer avec ses partenaires commerciaux. Face au protectionnisme trumpiste, Ursula von der Leyen et sa commission continuent de défendre le multilatéralisme : "Il y a quelques semaines, nous avons conclu un accord [de libre-échange] avec le Mexique. [...] Nous continuerons d’étendre notre réseau d’accords commerciaux avec des marchés du monde entier", affirme devant l’hémicycle Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne.
Au sommet sur l'IA de Paris ce mardi 12 février, Ursula von der Leyen et J.D. Vance ont évoqué le sujet des droits de douane. © Ian Langsdon / AFP
Les droits de douane pourraient durement affecter l’industrie sidérurgique du continent : un quart des exportations européennes d’acier sont destinées aux États-Unis. En 2023, plus de 503 milliards d’euros de biens ont été exportés de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui en fait le principal partenaire commercial de l’Union. La Commission se livre donc à un jeu d’équilibriste entre le maintien de négociations diplomatiques et la mise en place de “contre-mesures fermes, ciblées et proportionnées [...] contre ces droits de douane injustifiés”, comme le clame Maroš Šefčovič.
La riposte politique, un “chemin dangereux”
Plusieurs options sont sur la table de la Commission, seule compétente en la matière : imposer des droits de douane identiques, réduire la dépendance envers les États-Unis… En 2023, l’UE a également adopté un instrument anti-coercition, conçu pour défendre ses intérêts commerciaux face à des attaques politiques. De nombreux parlementaires pressent la Commission d’utiliser cet instrument. Pour Daniel Gros, économiste à l’université Bocconi de Milan, "si Donald Trump appliquait des droits de douane au Danemark pour récupérer le Groenland, l’instrument anti-coercition serait utilisable". Pour l’instant, cette mesure semble inapplicable puisque l’objectif du locataire de la Maison Blanche est perçu comme économique : réduire le déficit de la balance commerciale américaine avec l’Union.
Au Parlement, plusieurs groupes politiques, notamment Les Verts (gauche) et Sociaux & Démocrates (S&D, gauche), réclament des mesures fermes pour faire face à l’éventualité d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Raphaël Glucksmann (S&D, gauche) propose d’utiliser le Digital Service Act [loi régulant les contenus publiés sur les plateformes numériques, ndlr] pour pénaliser financièrement les grandes entreprises américaines de la tech, qui soutiennent Donald Trump. "C’est un chemin dangereux de politiser ces instruments pour répondre à des menaces économiques", estime Varg Folkman, analyste économique au think tank European Policy Centre.
Chez les conservateurs, les positions sont plus mesurées. Pour le Parti Populaire Européen (PPE, droite), difficile de s’engager dans une guerre commerciale. L’eurodéputé polonais Michał Szczerba (PPE, droite) rappelle ainsi que les filières acier et aluminium représentaient plus de 300 000 emplois directs à l’échelle européenne. À l’extrême-droite, les Conservateurs et Réformistes européens (ECR) assument leur proximité avec Donald Trump et réclament l’achat massif d’armement américain, et l’augmentation des importations de Gaz naturel liquéfié (GNL) pour contenter les Etats-Unis.
Plus de gaz américain pour l’Europe : une idée soutenue en novembre dernier par la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. Elle a rencontré mardi soir le vice-président américain J.D. Vance à Paris. "L’Europe compte beaucoup pour nous. Nous voyons beaucoup de relations économiques à construire avec le continent", a rassuré le numéro deux des États-Unis.
Augustin Brillatz et Thomas Dagnas