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Mercosur pas si sûr


13 février 2025

L’accord UE-Mercosur a été débattu au Parlement européen en fin de session plénière. Ce vieux serpent de mer des institutions européennes ravive les crispations nationales et idéologiques, allant jusqu’à fissurer l’unité même des groupes parlementaires.

"Je défie quiconque de me dire quelle sera l'issue du vote parlementaire", s’amuse Gilles Pennelle (PfE, extrême droite) au sujet du Mercosur. Validé le 6 décembre, cet accord doit encore être ratifié par le Parlement européen et le conseil de l’Union européenne dans les mois à venir. Il vise à instaurer une zone de libre-échange entre l’Union européenne et les cinq pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay, Bolivie). L’objectif : éliminer environ 90% des droits de douane dans les deux sens, notamment sur les produits agricoles et industriels. Il ouvrirait également l'Europe à un marché de 223 millions de consommateurs. Mais à l’heure où Trump menace l’équilibre du commerce international et que la crise agricole gronde parmi les 27, les groupes sont largement divisés au sein de l’hémicycle.

Un clivage au-delà des groupes

"Dans tous les groupes il y a du oui comme du non. L’avis dépend plus du pays que du groupe", avance l’eurodéputée Céline Imart (PPE, droite). Les députés français et polonais suivent la position de leurs représentants au Conseil de l’UE, craignant pour leur secteur agricole. Leurs homologues allemands y sont, eux, plutôt favorables, priorisant les intérêts des industries automobiles et chimiques allemandes.

La nationalité n’est pas la seule ligne de clivage. Le traité divise aussi les eurodéputés en fonction des commissions auxquelles ils appartiennent. “Au sein de la commission agriculture, la majorité est contre”, affirme Gilles Pennelle (PfE, extrême droite). Même son de cloche du côté de la commission santé, elle, globalement en opposition avec l’accord. Dans cette dernière, Majdouline Sbaï (Les Verts, gauche) explique avoir “même trouvé du soutien auprès de collègues de droite”.

L'eurodéputée Marie-Pierre Vedrenne (PPE, droite) discute avec le commissaire européen au commerce Maroš Šefčovičlors du débat sur l'accord UE-Mercosur au Parlement jeudi 13 février © European Union 2025 - Source : EP

Majdouline Sbaï (Les Verts, gauche) débat sur l'accord de libre-échange UE-Mercosur au Parlement © European Union 2025 - Source : EP

Une Commission qui veut “passer en force”

Les opposants au Mercosur s’indignent qu’Ursula Von Der Leyen, présidente de la Commission, ait négocié seule. Aucun texte complet n'aurait encore été transmis, même aux commissions parlementaires concernées. Gilles Pennelle (PfE, extrême droite) s’insurge contre ce manque d’information et y voit “une volonté de passer en force” de l’exécutif européen.

Pour certains eurodéputés, les données mises en avant par Maroš Šefčovič, commissaire au commerce, ne donnent pas une vision globale de l’impact du traité. Marie-Pierre Vedrenne (Renew, centristes libéraux) attend de lui des éléments supplémentaires pour discuter concrètement de l’accord : “qu’il vienne avec son Powerpoint et sa calculette”. De son côté, Majdouline Sbaï (Les Verts, gauche) s’inquiète du manque d’études sur l’impact social du traité “on a que du macro-économique sur le sujet. Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les travailleurs !”.

Le libre-échange mondial en crise à l’ère Trump

“Ça serait la plus grande zone de libre échange au monde, si il y a bien un moment pour le faire c’est maintenant”, déclare Jörgen Warborn (PPE, droite) au sein de l’hémicycle. L’élection de Trump et sa menace d’augmentation des droits de douane ont fait bouger les lignes sur les bancs parlementaires vers plus de multilatéralisme. De quoi faire chavirer quelques opposants au Mercosur : “J’en connais plus d’un qui, dans mon groupe, a depuis changé de bord”, constate Majdouline Sbaï (Les Verts, gauche).

 

Arthur Besnard et Mahault de Fontainieu

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