29 février 2024
Une directive qui vise à criminaliser les infractions environnementales a été adoptée à une large majorité mardi 27 février au Parlement européen. Des mesures jugées historiques qui, pour certains groupes, manquent encore d’ambition.
À Strasbourg, des graffitis pour la protection de l'environnement habillent le mobilier urbain. © Lucie Campoy
« Une réponse européenne s’imposait, c’est chose faite », se réjouit l’eurodéputée Ilana Cicurel (Renew, libéraux). La directive sur la protection de l’environnement a été adoptée ce mardi 27 février au Parlement européen à une large majorité. Pour les eurodéputés, il s’agit d’une avancée historique dans la lutte contre la criminalité environnementale. Marie Toussaint (Les Verts, écologistes) se félicite « d’une des législations les plus ambitieuses du monde. »
La criminalité environnementale recouvre toutes les atteintes graves à la santé humaine, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau et du sol. Selon Interpol et le Programme des Nations unies pour l'environnement, elle progresse de plus de 5% par an dans le monde. Elle se classe aujourd’hui au quatrième rang mondial des activités illicites après le trafic de drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains.
Depuis 2008, l’Union européenne reconnaît et répertorie des crimes environnementaux. Cette nouvelle directive va plus loin en proposant des mesures qui se veulent mieux ciblées et plus dissuasives.
Mieux condamner les crimes environnementaux
Jusqu’à maintenant, l’Union européenne reconnaissait neuf infractions environnementales. Avec cette législation, elle en reconnaît 18. Elle inclut désormais la pollution causée par les navires, le commerce illégal du bois, l’épuisement illégal des ressources en eau ou l'importation d’espèces invasives.
La directive européenne alourdit aussi les peines pour les auteurs de crimes environnementaux. Les personnes physiques reconnues coupables d’infractions qui ont entraîné la mort encourent jusqu’à 10 ans d’emprisonnement. Quant aux entreprises, elles risquent des amendes qui vont de 3 à 5 % de leur chiffre d'affaires mondial annuel selon la gravité des faits. Leur PDG peut aussi être tenu personnellement responsable. Le rapporteur du texte Antonius Manders (PPE, droite) prend l’exemple d’une affaire survenue en 2015. Le groupe Volkswagen avait trafiqué 11 millions de ses voitures diesel pour dissimuler des émissions jusqu’à 40 fois plus toxiques que les normes autorisées. Selon lui, Martin Winterkorn, l’ancien PDG de Volkswagen, a poussé ses techniciens à fabriquer des moteurs défectueux. Si la directive avait été en vigueur lorsque les faits ont été commis, il aurait risqué la prison. « J’espère que cela préviendra des dommages futurs », ajoute-t-il.
La directive s’attache également à harmoniser les sanctions encourues à l’échelle européenne et à améliorer la coopération entre les États membres, puisque les crimes environnementaux sont souvent transfrontaliers. En 2021, un cours d’eau commun à la Belgique et aux Pays-Bas a été contaminé aux PFAS, des produits chimiques toxiques. La pollution a pris sa source au niveau du site belge du géant industriel américain 3M, implanté à moins de vingt kilomètres de la frontière hollandaise. La Belgique a été accusée de minimiser les faits et de taire certains éléments, ce qui a empêché une bonne coopération interétatique. La nouvelle directive vise à apporter des solutions à ce genre de situation.
L'eurodéputé Antonius Manders (PPE, droite), rapporteur du texte sur la criminalité environnementale. © Lucie Campoy
Des ambitions limitées
Si la législation a été adoptée à une large majorité, certains eurodéputés ont exprimé des regrets. Plusieurs mesures ont en effet été revues à la baisse par les États membres lors des négociations. C’est notamment le cas de l’amende maximale encourue par les entreprises qui est passée de 10% de leur chiffre d’affaires annuel à 5 %. « C’est injuste car pour Shell, DuPont ou Pfizer, ce n’est rien du tout », déplore Antonius Manders.
Manon Aubry (The Left, extrême-gauche) aurait aussi souhaité voir l’écocide clairement défini dans la loi, au lieu de la simple mention d’un ‘comportement comparable à un écocide’. « Je ne dirais pas que c’est le texte le plus révolutionnaire qu’on puisse imaginer », reproche-t-elle.
Les 27 ont désormais vingt-quatre mois pour transposer les nouvelles règles dans leur droit national. La liste des crimes environnementaux sera mise à jour régulièrement pour qu’aucun auteur ne puisse plus échapper aux sanctions.
Lucie Campoy et Kenza Lalouni