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Publicité à caractère politique : protéger les électeurs et les scrutins


29 février 2024

À trois mois des élections européennes, le Parlement a adopté mardi 27 février de nouvelles règles sur la transparence et le ciblage des publicités à caractère politique. La proposition portée par la Commission tend à lutter contre la désinformation et l’ingérence étrangère. 

« Aujourd’hui nous donnons une réponse forte, efficace, pour protéger notre démocratie », se félicite Sandro Gozi (Renew, libéraux). Le 27 février, l’Union européenne (UE) s’est dotée d’un cadre juridique inédit sur la transparence et le ciblage de la publicité à caractère politique. Un ensemble de règles qui vise à harmoniser la législation des États membres en matière de désinformation et de profilage, ainsi qu’à protéger les campagnes électorales des ingérences étrangères.

Publicités identifiables et données protégées

Il s’agit de lutter contre le développement de systèmes informatiques capables d’orchestrer la façon dont du contenu à caractère politique apparaît sur le fil d’actualité des utilisateurs. Un ciblage déloyal, conséquence de profilages illégaux et intensifs mis en lumière en 2016 par l’affaire Cambridge Analytica. L’entreprise britannique avait volé les données de dizaines de millions d’internautes pour servir la campagne présidentielle de Donald Trump. Avec le Digital Service Act (DSA), l’UE avait déjà légiféré en 2023 sur la diffusion de contenus en ligne. La nouvelle loi s’inscrit dans sa continuité, en ciblant précisément la publicité à caractère politique, définie comme « l’élaboration, le placement, la promotion, la publication ou la diffusion d’un message par ou pour un acteur politique pouvant influencer le résultat d’une élection. »

Le nouveau règlement impose l’identification claire de toute publicité à caractère politique. Les contenus devront s'habiller d’une bannière qui détaille leur contexte électoral, la manière dont ils sont financés et l’identité de leurs parraineurs. « C’est difficile de faire la différence entre les avis politiques et la publicité politique », observe Sabine Verheyen (PPE, droite) : « Nos électeurs ont besoin de transparence, de savoir ce qui est de la publicité et qui est derrière la publicité. »

« Ce sont des règles dans un Far West numérique. Je suis convaincu que notre réponse peut inspirer le monde entier », se réjouit le rapporteur Sandro Gozi (Renew, libéraux). © François Bertrand

L’exploitation de données personnelles pour cibler des internautes sera limitée. Le profilage à partir de données sensibles comme la religion, l’origine ethnique, ou l’orientation sexuelle sera formellement interdit. Seules les données fournies en toute connaissance de cause pourront être utilisées. La proposition de loi soulève néanmoins la frustration de certains eurodéputés. « Les messages politiques sur la base des préférences, des faiblesses, des situations personnelles de chaque usager restera légal », déplore Mick Wallace (GUE/NGL, extrême gauche). « Ça ne va pas assez loin », appuie l'eurodéputée Alexandra Geese (Les Verts, écologistes) : « On devrait interdire l’utilisation de toutes les données personnelles ». Une ambition pourtant portée à l’origine par le Parlement, mais finalement abandonnée sous la pression des États membres. 

Fermer le marché aux pays tiers, l’ouvrir à l’échelle européenne

Autre point clé : les ingérences étrangères. Alors que l’UE entretient des relations de plus en plus tendues avec certains de ses voisins, en particulier la Russie et la Chine, la législation était attendue par un grand contingent d’eurodéputés. Pour contrer toute tentative d’influence de la part de pays tiers, le règlement leur interdit de financer de la publicité à caractère politique trois mois avant toute élection ou référendum. « Je viens de Hongrie donc je sais bien ce qui se passe lorsque des élections ne sont ni libres ni régulières », témoigne Anna Julia Donath (Renew, libéraux) : « Il s’agit d’affaiblir l’incidence des propagandes chinoises et russes. On se doit de protéger les électeurs et électrices contre les forces politiques qui essaient de nous manipuler en ligne. »

Davantage régulé à l’international, le marché de la publicité à caractère politique se veut plus libéral à l’échelle européenne. Afin d’établir une équité sur les campagnes publicitaires au sein de l'UE, les États membres n’auront pas le droit d’entraver leur diffusion quelque soit leur provenance. « Nous éliminons les barrières et les obstacles existants dans le marché unique. Les partis européens pourront enfin mener des campagnes véritablement européennes et transnationales », se réjouit le rapporteur Sandro Gozi (Renew, libéraux). 

Cette mesure prendra effet dans les prochaines semaines et sera applicable dès les élections européennes. Le reste de la législation entrera progressivement en vigueur au cours des 18 prochains mois.

François Bertrand et Léa Oudoire

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