29 février 2024
Le Parlement européen a voté le mercredi 28 février en faveur d’une harmonisation du permis de conduire dans toute l’Union européenne (UE). Mais la mesure phare du texte, l’obligation d’une visite médicale tous les quinze ans pour conserver son permis, a été rejetée.
La petite carte rose devient un peu plus européenne. La nouvelle législation relative à l’harmonisation du permis de conduire a été adoptée par les eurodéputés le mercredi 28 février. La conduite accompagnée va être étendue partout sur le territoire européen et les conducteurs débutants devront respecter un taux d'alcoolémie maximum de 0,2 g/l au volant. Autre changement : un permis de conduire numérique, disponible sur le téléphone pour circuler plus librement.
Une loi pas « à la hauteur des enjeux »
Adoptée oui, mais l’ambition n’est plus la même. « L'Europe qui sauve des vies n’est pas clairement incarnée, je considère que le texte n’est plus à la hauteur des enjeux », a dénoncé la rapporteuse et présidente de la commission des transports et du tourisme Karima Delli (Les Verts, écologistes). L'objectif de l’élue était bien plus large : atteindre la mortalité zéro sur les routes, cap fixé par la Commission pour 2050.
Il sera possible de posséder une version numérique du permis de conduire, disponible et valide dans toute l'Union Européenne. ©Aryel Camus
Elle comptait pour cela sur le rendez-vous médical obligatoire tous les 15 ans, puis tous les 5 ans à partir de 70 ans. Un moyen, selon son camp, de prévenir les accidents de la route liés aux problèmes de santé et de motricité. Tests de vue, d’ouïe et de réflexes seraient venus confirmer l’aptitude des automobilistes à conduire, ou non.
L’eurodéputée des Verts souhaitait étendre à toute l’UE cette pratique déjà en place dans 14 états-membres dont l’Espagne, Italie et Pays-Bas. Mais plusieurs associations de défense des automobilistes ont fait pression sur les eurodéputés pour s’opposer à la mesure controversée. Une pétition a été mise en ligne par la ligue de défense des conducteurs et recueille aujourd’hui 433 000 signataires. Une majorité d’élus de droite et conservateurs ont finalement torpillé la mesure au moment du vote. Résultat, il ne s’agit plus que d’une simple recommandation non contraignante pour les pays où elle n’est pas encore mise en place. « Il y a eu une croisade politique et une volonté de l’extrême droite de faire de ce dossier un projet anti-européen », a-t-elle poursuivi.
L'eurodéputé Karima Delli a exprimé sa déception après le vote du 28 février et l'abandon de la visite médicale obligatoire. ©European Union 2024 - Source : EP
La question des seniors au coeur du débat
« Ce vote est une déception, une occasion manquée », a regretté Dominique Riquet (Renew, libéraux). Les eurodéputés de la droite se sont félicités d’avoir fait tomber à l’eau une mesure stigmatisant d’après eux les conducteurs les plus âgés. Jean-Paul Garraud (ID, extrême-droite) avait dénoncé « des mesures infondées, discriminatoires, liberticides et anti-juridiques ».
Les seniors sont davantage sujets à des problèmes de santé et donc à un éventuel retrait du permis. Les critiques ont pointé l’isolement que pourrait entraîner une telle décision, principalement dans les milieux ruraux où l’alternative à la voiture se fait rare. La porte-parole de la ligue de défense des automobilistes, Alexandra Legendre se réjouit elle aussi de l’abandon de visite médicale obligatoire. Elle la juge complètement irréalisable : « On sait que cette mesure n’aurait pas été applicable en l’état. Cela demande des moyens très importants de médecins et aucune alternative n’était prévue pour contrebalancer cette décision, notamment pour les transports publics ».
Selon elle, il y a surtout urgence à rénover les infrastructures routières dégradées, favorisant les accidents. Une alternative qu’elle considère « plus efficace qu’une visite médicale qui va ostraciser des conducteurs ».
Deuxième chance en France
C’est donc un texte avec moins d’envergure qui va être soumis dans les deux prochaines semaines à l’approbation du Conseil de l’Union européenne, réunissant les ministres de chaque État membre. Du côté de l’Hexagone, les partisans de la visite médicale comptent sur le gouvernement Attal pour mettre le sujet à l’agenda parlementaire. 59% des français seraient favorables à la visite médicale obligatoire, avance un sondage Ifop.
Aryel Camus et Arthur Guillamo