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L'Europe entend l'appel de Ioulia Navalnaïa


29 février 2024

Douze jours après le décès de l’opposant russe Alexeï Navalny, le Parlement européen lui a rendu hommage. Sa femme, Ioulia Navalnaïa, a intimé à l’Union européenne d’agir contre le régime de Poutine.

Sous les flashs des photographes, Ioulia Navalnaïa foule le tapis rouge de l’entrée protocolaire du Parlement européen le 28 février. Son entrée est scrutée par les nombreux journalistes. Quand elle s’engouffre dans l’hémicycle, le silence se fait. Puis, un tonnerre d’applaudissements retentit. L’ovation dure plus d’une minute. Depuis la mort d’Alexeï Navalny le 16 février, elle enchaîne les discours. D’abord Munich, puis San Francisco et maintenant Strasbourg. Pas question de se taire face à Vladimir Poutine. Elle tient à poursuivre l’engagement politique de son mari, principal opposant au Kremlin. Quand elle s'installe au pupitre devant les eurodéputés, elle soupire : « Je pensais que les douze jours qui s'étaient écoulés depuis la mort d'Alexeï me laisseraient le temps de préparer ce discours ».

Quand sa voix se brise, elle est encouragée par les applaudissements de l’assemblée : « Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour nous ». Le ton de son allocution est donné : le temps est à l’action. Plus question de prendre de timides mesures, il faut changer de stratégie : « Armes, fonds, sanctions… rien n’a fonctionné. Vous ne pouvez pas atteindre Poutine avec une autre résolution ou un autre paquet de sanctions qui ne diffèrent pas beaucoup des précédentes ». Navalnaïa insiste sur ce point : « Poutine est le chef d'une bande organisée criminelle ». Elle considère qu'il ne faut pas le traiter en homme politique et que les règles de diplomatie ne s’appliquent plus. Ioulia Navalnaïa propose de suivre l’exemple de son mari Alexeï Navalny : « Si vous voulez vraiment vaincre Poutine, vous devez innover. Cessez d'être ennuyeux ».

À l’issue de son discours, les eurodéputés réagissent d’une seule voix. Les désaccords sur la Russie semblent oubliés. L’unanimité est de rigueur dans ce moment solennel. Mais très vite, les divergences se font jour. L’extrême droite et l’extrême gauche ne s’associent pas à la résolution conjointe proposée par tous les autres groupes.

Lors de son discours au Parlement le 28 février, Ioulia Navalnaïa a rendu hommage à son défunt mari, l’opposant russe Alexeï Navalny. © Camille Fraioli

Aider à s’opposer

Pour une fois dans sa position commune, le Parlement ne joue plus sur les mots. Dans la résolution votée à une large majorité (506 pour, 9 contre et 32 abstentions),  il qualifie le système politique en Russie de régime autoritaire consolidé, qui concentre l’ensemble du pouvoir entre les mains de Vladimir Poutine. C’est une réponse directe aux propos de Ioulia Navalnaïa. Les parlementaires poussent la Commission européenne à envisager des sanctions contre les personnes présentes sur la liste de la Fondation anti-corruption d’Alexeï Navalny. De la répression interne jusqu’à la guerre en Ukraine, elles sont considérées comme complices des agissements de Poutine. Le Parlement affirme aussi l’illégitimité des élections présidentielles russes prévues le 17 mars prochain.

Dans un régime qui réprime toute dissidence, la protection des opposants politiques doit être assurée. Comme beaucoup d’autres, l’eurodéputée Anna Fotyga (ECR, conservateurs) demande « la libération immédiate et inconditionnelle des prisonniers politiques en Russie ». En 2024, ils étaient plus de 600 selon le groupe de défense des droits de l’homme Mémorial. Beaucoup d’autres mettent leur vie en péril pour lutter de l’intérieur pour la démocratie : citoyens engagés, journalistes indépendants, avocats et autres défenseurs des droits humains. Les parlementaires exhortent l’Union européenne à les aider davantage. « Des ONG russes bénéficient de l’aide de l'Union, le décès de Navalny nous pousse à poursuivre cette aide essentielle », rappelle la commissaire européenne Kadri Simson. Pour les opposants qui se voient obligés de quitter la Russie, la résolution prévoit de faciliter les conditions d’accueil, à travers un accès simplifié aux visas humanitaires et la possibilité d’enregistrer des organisations ou d’ouvrir des comptes bancaires au sein de l’Union.

En adoptant cette résolution, le Parlement affiche son soutien à Ioulia Navalnaïa et à la société civile opprimée de Russie. À la veille des funérailles d'Alexeï Navalny prévues vendredi à Moscou, l’Europe appelle le Kremlin à « ne pas entraver les efforts » de la famille « pour organiser ses funérailles dans la dignité ».

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