27 mars 2019
Le Parlement européen a adopté, mardi 26 mars, un train de mesures pour une refonte du marché intérieur de l’électricité. Plusieurs objectifs sont poursuivis : baisse des prix, renforcement de la concurrence, le tout en mettant l’accent sur les énergies renouvelables.
« Cet accord est bon pour les consommateurs, la planète et l’industrie », s'enthousiasme Miguel Arias Cañete depuis l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg. Le Commissaire européen au climat et à l’énergie parle ici du « paquet énergie propre » largement adopté mardi 26 mars par les eurodéputés (551 voix pour, 72 contre et 37 abstentions).
Cet ensemble de quatre directives vise à renforcer le marché commun de l'électricité initié à la fin des années 1990, mais loin d’être abouti tant les réalités nationales continuent de diverger. Si le prix du kilowatt est de 9,4 cts en Bulgarie, il culmine à 30,8 cts au Danemark. Mêmes disparités dans les choix nationaux de mix énergétique : la France privilégie le nucléaire, la Pologne reste au charbon, le Danemark met le paquet sur l’éolien... Chacun fait sa tambouille et les productions d’électricité franchissent rarement les frontières nationales.
Flexibiliser les marchés et protéger les consommateurs
Dans le dossier électricité, l’Union européenne fait le pari d’une libre-concurrence bienfaisante pour protéger le consommateur. Le poids des monopoles d’Etat serait trop lourd et la concurrence insuffisante, ce qui maintiendrait les prix artificiellement hauts. Avec l’adoption du « paquet énergie propre », l’eurodéputé espagnol Florent Marcellesi (Les Verts) espère que « plus personne n’aura à choisir entre la fin du mois et la fin du monde ».
L’UE attend des gouvernements nationaux qu’ils mettent progressivement fin à leur politique de régulation des prix de l’énergie pour laisser place à la loi de l’offre et de la demande. La Commission européenne assure qu’elle gardera un oeil sur les efforts déployés en la matière, au travers de rapports remis par les État membres chaque année à partir de 2025. Une exigence qui a rencontré de fortes réticences de la part des États, à commencer par la France, où les tarifs réglementés de l'électricité sont la norme depuis des décennies.
Sources : Eurostat
En réduisant la mainmise des gouvernements sur le marché de l’énergie, l’UE espère aussi envoyer des signaux positifs aux industriels de l’électricité et stimuler l’investissement. « Nous devons impérativement flexibiliser le marché de l’énergie pour laisser entrer de nouveaux acteurs », soutient l’eurodéputé allemande Martina Werner (S&D, sociaux démocrates), qui a suivi l’avancement du dossier pour son groupe politique.
« La protection des consommateurs passe aussi par des factures plus lisibles où les informations essentielles apparaissent dès la première page », rappelle-t-elle, faisant référence à l’exigence de clarté des prix, fixée par la directive. D’autres mesures très concrètes viennent faciliter la vie du consommateur, telles que l’obligation pour les États d’offrir la possibilité de changer sans frais de fournisseur d’électricité en trois semaines maximum (et 24 heures d’ici 2026), ou encore l’accès gratuit à un comparateur de prix en ligne agréé par l’Etat.
Une électricité plus verte
Un autre objectif majeur du « paquet énergie propre » est d’assurer le respect de l’engagement européen de parvenir à 32% d’énergie renouvelable d’ici 2030, en conformité avec l’accord de Paris sur le climat. Dans cette optique, il promeut la création de « coopératives citoyennes d'énergie », soit la possibilité pour les particuliers de produire, consommer et commercialiser leur propre énergie renouvelable. Pour Martina Werner, il était primordial de « donner à chacun la possibilité de participer aux objectifs climatiques ».
Le "paquet énergie propre" obligera les fournisseurs à rendre les factures d'électricité plus lisibles © Julia Toussaint
Un avis partagé par Dirk Hendricks, conseiller politique de la Fédération européenne des énergies renouvelables (EREF), qui reste néanmoins prudent sur la mise en oeuvre pratique du texte : « Cela risque d’être compliqué dans certains pays comme la Pologne où il y a un fort poids des traditions ». Par tradition, comprenez ici le charbon. 80% de la consommation en électricité du pays provient de l’exploitation de ce minerai. L’interdiction de subventionner les centrales à charbon d’ici 2025, actée par la directive, a donc eu du mal à passer côté polonais. Le secteur représente plus de 100 000 emplois dans le pays et risque effectivement de peser dans la transition espérée vers les énergies renouvelables. La Grèce et la Bulgarie font face à des problématiques similaires, les deux pays étant attachés aux énergies fossiles.
Les Etats se conformeront-ils malgré tout aux exigences de l’UE ? Pour s’en assurer, le Parlement européen a décidé d'accroître le budget et les prérogatives de l’Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER). Véritable gendarme du marché de l’électricité, l’ACER veillera de près à la bonne application des directives au cours des prochaines années.
Nicolas Robertson, Julia Toussaint