13 février 2020
Après l'affaire des "Luanda Leaks", le Parlement européen attend plus d’efficacité dans les règles de lutte anti-fraude au sein de l'Union.
"J'ai une mauvaise impression, on s'habitue à ces scandales fiscaux." Sven Giegold, eurodéputé allemand des Verts, ne décolère pas. Mercredi 12 février, les parlementaires ont exprimé leur volonté de lutter contre le blanchiment d'argent, souhaitant que leur parole soit suivie de faits.
Ce débat fait suite aux Luanda Leaks. Cette enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui rassemble 36 médias internationaux, a révélé en janvier 2020 comment Isabel dos Santos, la fille de l'ex-président angolais, a mis en place un réseau de sociétés offshore. En tout, un milliard d’euros de fonds publics issus d’entreprises angolaises ont été détournés. Exploitant des défauts de régulation à l’échelle européenne, la femme d’affaires a pu réaliser des montages financiers pour mener à bien son entreprise. Pourtant, le Parlement avait déjà alerté l'Union sur son manque de moyens face aux fraudes fiscales lors des Lux Leaks en 2014 et des Football Leaks en 2016.
"Nous avons un problème d’État de droit en Europe, s'est insurgé Othmar Karas, vice-président du Parlement (PPE, droite). 110 milliards d'euros sont blanchis chaque année dans l'Union européenne, nos règles ne sont pas respectées." En mai 2018, une nouvelle directive européenne pour lutter contre le blanchiment d'argent a été adoptée. "Nous avons de grosses lacunes législatives et cela nous rend vulnérables, a déclaré Ramona Strugariu, eurodéputée roumaine Renew Europe (centre libéral). Les États ne transposent pas correctement les directives." En effet, alors que les États membres avaient jusqu’au 10 janvier pour transposer la directive dans leur droit national, dix d’entre eux ne l’ont toujours pas fait, dont le Portugal. Les eurodéputés, à la lumière des Luanda Leaks, visent particulièrement ce pays pour sa négligence vis à vis de la lutte anti-fraude.
Lisbonne est également pointée du doigt pour son traitement du lanceur d'alerte à l'origine des Luanda Leaks. Rui Pinto, le hacker qui avait aussi révélé les Football leaks, est détenu dans la capitale portugaise depuis un an. "On sanctionne la mauvaise personne, s'insurge José Gusmao, député portugais du groupe GUE/NGL (extrême-gauche). Pendant ce temps-là, ceux qui blanchissent de l’argent peuvent continuer en toute impunité."
Antoine Cazabonne