13 février 2020
Venue défendre une nouvelle liste de projets en matière énergétique, la commissaire à l’énergie s’est heurtée mercredi 12 février à la résistance de certains députés européens. En cause, l’impact environnemental des projets et leur mode de sélection.
Il part de la frontière turque pour traverser la Grèce, l’Albanie, puis la mer Adriatique, avant d’atteindre l’Italie. Voilà le trajet, long de 878 kilomètres, que parcourt le Trans Adriatic Pipeline (TAP). Opérationnel dans le courant de l’année 2020 et connecté au Gazoduc transanatolien, il acheminera jusqu’à 16 milliards de mètres cube de gaz par an jusqu’aux sud de l’Europe. Il fait partie de la liste des 151 "Projets d’Intérêt Commun" (PIC) qui ont été approuvés mercredi 12 février par le Parlement européen, à Strasbourg. À ce titre, il pourra bénéficier de procédures administratives accélérées voire de financements européens. Pour obtenir ces avantages, les infrastructures énergétiques doivent respecter plusieurs critères comme l’obligation de participer à la sécurité énergétique d’au moins deux États membres, ou de contribuer à réduire les émissions de CO2.
Infrastructures de stockage de gaz, près de Strasbourg. © Nathan Bocard
Une liste sujette à débat
Mais le Trans Adriatic Pipeline est aussi le symbole des controverses qui ont entouré l’adoption de cette liste de PIC, contestée par certains eurodéputés. Pour Marie Toussaint, eurodéputée française (Verts), "c’est un type projet qui sort d’un autre âge". "29 milliards d’euros seraient nécessaires pour construire ces infrastructures gazières, alors qu’en même temps, les fonds sont difficiles à trouver pour financer le Green Deal", affirme-t-elle, en faisant référence au programme écologique porté par la nouvelle Commission von der Leyen. L’eurodéputée française s’appuie sur une étude du cabinet de conseil industriel Artélys : "L’argent qui va être dépensé dans ces projets gaziers est de l’argent inutile. Les infrastructures gazières, déjà aujourd’hui en place sur le territoire, suffisent largement et sont d’ailleurs sous-utilisées. La consommation de gaz de l’UE devrait aussi être amenée à décroître si l’on respecte nos engagements climatiques." Au-delà de son contenu, c’est la méthode de sélection des projets qui pose problème aux yeux de certains. Le député néerlandais Mohammed Chahim (S&D, socio-démocrate), déplore ainsi que les parlementaires ne puissent “qu’accepter ou s’opposer à cette liste dans son intégralité”, sans possibilité de l’amender. “Ce débat aurait pu être évité si la Commission européenne préparait les listes en accord avec le Parlement européen”, renchérit son collègue espagnol Gonzalez Casares, lui aussi membre du groupe S&D.
Une liste de transition
Les Verts ont bien cherché à s'opposer aux projets afin de forcer la Commission européenne, à l’origine de la liste, à revoir sa copie. Mais leur proposition n’a bénéficié du soutien que de 169 eurodéputés, contre 443. La plupart d’entre eux défendent les projets gaziers, en mettant notamment en avant leur rôle de "technologie transitoire". "Un pays comme la Pologne qui doit mettre fin au charbon, a besoin de cette transition. Il serait donc irresponsable d’y renoncer", affirme l’eurodéputée allemande Angelika Niebler (PPE, droite). Une position partagée par Zdzisław Krasnodębski, vice-président de la commission Industrie (ECR, droite souverainiste) : “Il faut aussi s’intéresser aux pays d’Europe dont l’économie ne se porte pas très bien, pour faire preuve de bon sens.” Même si ces choix de PIC ont été approuvés par le Parlement, la Commission affirme avoir entendu les contestations. La nouvelle commissaire européenne à l’énergie, Kadri Simson, a promis de “renforcer la participation des députés lors des étapes clés du processus” et de tenir davantage compte des ambitions du pacte vert européen pour les futurs projets d’infrastructures énergétiques.
Nathan Bocard et Lucie Caillieret