14 mars 2019
La résolution sur le changement climatique adoptée par les eurodéputés jeudi 14 mars envisage plusieurs stratégies pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et respecter l’accord de Paris sur le climat.
Les jeunes pour le climat ont tenu une conférence de presse au Parlement européen mercredi 13 mars. © Clara Guichon
Ce débat s’inscrit dans le cadre de discussions entre les institutions européennes sur les modalités de l'application de l’accord de Paris sur le climat de 2015. Les échanges de mercredi ont porté sur la récente communication de la Commission européenne qui détaille sa stratégie à l’horizon 2050 pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le lendemain les députés ont adopté une résolution sur le changement climatique contenant leurs recommandations (369 pour, 116 contre, 40 abstentions).
Une résolution ambitieuse
« Les actions de ces jeunes européens doivent nous inciter à agir. Nous devons augmenter la part des énergies propres à 32% d'ici 2030. Mais surtout avoir des émissions nulles de gaz à effet de serre d'ici 2050 », martèle Miguel Arias Cañete, commissaire européen au climat. Il rappelle que les Etats membres ont déjà pris des engagements lors de l’accord de Paris mais estime « qu’il faut aller beaucoup plus loin ».
Pour cela, la Commission envisage deux scénarios. Le premier se fonde sur l'innovation technologique. Il s'agirait de réduire les émissions de gaz à effet de serre en favorisant le développement de nouvelles technologies "propres", par exemple en matière de production d'électricité ou de transport . « C’est totalement utopique, s’exclame l’eurodéputée Karima Delli (Les Verts/ALE). Le secteur des transports fait une résistance colossale à la transition. Et lorsque des avancées paraissent, elles sont à contre coeur ».
Ces objectifs ambitieux se heurtent également aux clivages entre les différents pays de l’Union européenne. Alors que la production d’électricité représente 75 % des émissions de gaz à effet de serre en Europe, le mix énergétique varie considérablement selon les Etats. Comme le souligne l’eurodéputée polonaise Jadwiga Wiśniewska (ECR, souverainiste) : « Dans mon pays, le mix énergétique est basé à 90 % sur le charbon, contre seulement 2% en France. »
De plus, les Etats membres ne semblent pas aller dans le bon sens. Selon les chiffres du rapport 2018 des Nations unies, ils se dirigeraient vers un net dépassement de la limite du réchauffement, fixé à 2 °C, pour tendre vers les 3,2 °C d’ici 2100.
Source : Eurostat
« Qu’est-ce-qu’on veut ?... Vie et justice ! » Debout, bras levés et mains liées, les jeunes militants pour le climat scandent leur slogan du haut des tribunes de l’hémicycle du Parlement européen, mercredi 14 mars. Ils sont une soixantaine, âgées de 11 à 26 ans. Originaires de plus d’une vingtaine de pays d’Europe, ils viennent assister à un débat sur le changement climatique. A peine ont-ils fini leur démonstration qu’une eurodéputée ENL (extrême droite) leur rétorque de retourner à l'école.
Source : Eurostat
Les intérêts économiques au changement
Le deuxième scénario met l’accent sur l’économie circulaire et l’économie bio. La Commission considère qu’elles permettraient de créer 580 000 emplois tout en réduisant drastiquement les émissions de CO2. Le local est ainsi au coeur du processus, avec la production d’énergie renouvelable, et une production alimentaire durable sans agriculture intensive.
Le Parlement partage aussi cette vision d’opportunité économique. Tous les points de la résolution adoptée jeudi 14 mars sont ainsi soigneusement justifiés économiquement. Par exemple, les eurodéputés estiment que pour le seul secteur de la santé, la transition écologique diminuerait les décès prématurés causés par les particules fines, et ferait ainsi économiser près de 200 milliards d’euros par an aux sociétés européennes.
« Il est possible de créer des emploi supplémentaire, et de viser une croissance accrue en Europe. La transition écologique doit être une opportunité économique, et non une contrainte », assure Peter Liese, eurodéputé du PPE (chrétiens démocrates).
Les Verts approuvent cette lecture mais regrettent qu’elle soit si tardive. « Si le climat était une banque, il aurait déjà été sauvé ! » a ainsi lancé l’eurodéputé néerlandais Bas Eickhout (Les Verts/ALE) lors du débat dans l'hémicycle.
Des échéances capitales
Le Parlement européen réclame également des financements accrus pour impulser une véritable dynamique de changement. Il appelle à la création d’un fonds pour la transition équitable, et demande à la BCE d’augmenter les prêts accordés au développement durable et à la transition écologique.
Pour l’instant ce ne sont que des mots. C’est ce que reproche aux responsables politiques les jeunes pour le climat. « Nous ne voulons pas parler mais agir », affirme Oscar Oskaras, jeune militant lituanien. La résolution adoptée par les eurodéputés reste une invitation envers les dirigeants européens pour qu’ils revoient à la hausse leurs ambitions climatiques lors du sommet spécial de l’Union européenne qui se tiendra à Sibiu en mai 2019. Mais la perspective visée est encore plus grande: influencer le sommet des Nations unies sur le climat en septembre 2019.
Orane Delépine & Mickaël Duché