18 décembre 2007
Le changement est majeur : le Parlement européen et la Cour de justice ont voix à part entière en matière de justice, liberté et sécurité.
L’immigration légale, la coordination policière et judiciaire passent du vote à l’unanimité au vote à la majorité qualifiée. Cela va faciliter la prise de décision sur ces matières, surtout dans le grand espace commun sans frontières intérieures de Schengen. Les gouvernements des Etats membres devront en revanche composer avec un Parlement européen codécisionnaire et seront soumis au contrôle de la Cour de Justice.
La disparition du cloisonnement entre matières intergouvernementales et matières communautaires produit des effets administratifs et organisationnels. L’Union doit notamment créer un comité de sécurité intérieure répondant au doux nom de COSI, qui aura à répondre de ses actes devant le Parlement. Au-delà, tous les groupes et organismes mis en place par le Conseil dans ce domaine sont affectés.
Solidarité, mutualité
Le traité vise à terme une gestion commune de l’immigration légale et illégale, assortie d’un principe de solidarité financière qui répartit les coûts entre les Etats accueillant plus ou moins de réfugiés (article 80) (1). L’Union rappelle également l’objectif de reconnaissance des décisions judiciaires au pénal comme au civil : une décision de justice prise dans un Etat doit être reconnue dans tous les autres. Elle peut même établir des règles communes minimales pour lutter contre la grande criminalité transfrontalière (article 83).
Pas touche au droit de la famille
Quand aux parlements nationaux, qui délèguent leurs principales compétences à l’Union dans ce domaine, ils doivent être systématiquement informés des procédures communautaires en cours et peuvent faire échouer celles qui ne respectent pas le principe de subsidiarité (article 69). Ils sont également associés au Parlement européen pour contrôler les activités d’Europol (2) et d’Eurojust (3).
Le traité dresse quelques garde-fous contre des empiètements excessifs: pas touche au droit de la famille par exemple, ni au droit de chaque Etat à déterminer le nombre d’immigrants accueillis sur son territoire ou aux mesures de coercition qui «relèvent exclusivement des autorités nationales compétentes».
Toujours dans le même ordre d’idées, la décision d’autoriser l’intervention des forces de police et de justice sur le territoire d’un autre Etat membre reste du domaine de l’unanimité.
Mais il suffirait d’un consensus des Etats membres pour lever ces barrières. Tout comme pour l’éventuelle création d’un parquet européen visant à «combattre les infractions» portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE” (article 86). Le traité laisse donc des portes ouvertes pour avancer dans la communautarisation.
Et si le consensus fait défaut, reste la coopération renforcée : neuf Etats - au moins - peuvent décider de mettre en commun davantage de compétences dans un domaine précis.
(1) Tous les articles mentionnés se rapportent au traité sur le fonctionnement de l’UE.
(2) L’office de police criminel intergouvernemental qui facilite l’échange de renseignements entre polices nationales.
(3) L’organe européen chargé de faciliter la coopération judiciaire pénale.
Louise Fessard
CICERO FOUNDATION - fondé en 1992, à Maastricht. Le groupe se propose de fournir un forum de débat sur toutes les grandes thématiques de l’actualité européenne. Il soutient l’adhésion et l’intégration des pays de l’Europe centrale et de l’est à l’UE. Récemment, le think tank a eu des lectures sur les sujets : comment combattre la criminalité internationale dans une Union élargie ? Quel rôle pour Europol ? Quelles mesures devraient prendre les gouvernements ?
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