19 décembre 2007
Elle se découvrent soudain devoir appliquer des normes européennes sur lesquelles personne ne les a consultées. Et la Cour de Justice n'hésite pas à frapper les contrevenants au portefeuille. La mobilisation, pourtant, prend son temps.
Le 21 novembre 2007? Oui, Daniel Hoeffel s'en souvient, il a piqué une grosse colère.
Le maire d’Handschuheim (Bas-Rhin), ancien ministre et ancien sénateur, s’occupe des questions européennes au sein de l’association des maires de France (AMF).
Ce jour-là, à Paris, pour le 90ème congrès des maires, il animait un atelier sur « la participation des communes à la construction européenne, dans la perspective de la présidence française du Conseil européen en 2008 ». Tout un programme... qui n’attire qu’une poignée de participants. Coup de sang. « J'ai été injuste. J’ai sermonné les présents pour les absents,confesse Daniel Hoeffel. Au milieu de la réunion, on a tout de même réussi à être 150 (ndlr : sur environ 5000 congressistes). La prise de conscience des élus français à l’égard de l’Europe progresse, mais elle n’est pas encore à la hauteur des enjeux. »
L'épineux problème des marchés publics
Des enjeux de taille, pourtant. Aujourd’hui, 70% des normes applicables par les collectivités locales découlent du droit européen. La législation imposée par l’Union régit l’organisation et la gestion des services publics locaux. Dernière illustration en date : l’intercommunalité. 90% des communes françaises sont membres d’une communauté de communes ou d’agglomération. Via cet EPCI (établissement public de coopération intercommunale), les villes assument collectivement leurs compétences lourdes : transport scolaire, gestion des déchets, assainissement... Objectif : simplifier la gestion et réduire les coûts.
Or, les communes déléguent directement l’organisation de ces services à l’EPCI, sans passer par un appel d’offre public. Une pratique jugée anticoncurrentielle par Bruxelles. La Commission exige que les relations entre communes et EPCI soient soumises à la logique des marchés publics, au nom de la libre concurrence.
« Impensable », martèle Daniel Hoeffel. Il prend pour exemple sa commune de 300 habitants, membre, avec cinq autres, de l’EPCI d’Ackerland. « Si demain Ackerland n’est plus gestionnaire des bus scolaires ou des stations d’épuration, nous devrons ouvrir ces chantiers à la concurrence. Et recourir, chacun dans son coin, à une multiplicité de prestataires. Cela va considérablement compliquer notre quotidien et nos finances. » Le maire compte sur la présidence française pour clarifier le débat. «Cette présidence va se situer à un moment charnière de la mise au point avec la Commission. »
Autre attente importante des acteurs locaux : les fonds structurels, alloués par Bruxelles dans le cadre de sa politique de cohésion, pour financer le développement des territoires.
« Globalement, explique Daniel Hoeffel, le gâteau des fonds structurels est le même mais doit être partagé avec les nouveaux arrivants dans l’Union. Les critères d’attribution aux anciens Etats membres vont devenir plus sélectifs. Nous voulons peser sur la redéfinition de ces critères. » C’est en partie sous mandature française que vont être réexaminés les moyens et les priorités du budget communautaire. « Du fait des délocalisations et des restructurations, plusieurs de nos régions doivent continuer à recevoir l’aide de l’Europe pour survivre. »
«Le travail de sensibilisation des élus doit être accentué»
« Les Français mettent du temps à voir en l’Europe non plus un mythe lointain mais un acteur de leur vie quotidienne. Les collectivités elles-aussi ont tardé à se rendre compte qu’elles étaient actrices et non plus spectatrices. Le travail de sensibilisation des élus doit être accentué. Il faut de la persévérance », reconnaît Daniel Hoeffel. L’AMF entend jouer un rôle moteur dans la prise de conscience. « 40% des maires changent à chaque élection. Dès le lendemain des municipales, nous allons accélerer l’action vers les nouveaux maires mais aussi remotiver ceux en place. »
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes assure que les collectivités seront étroitement associées à la future présidence française de l’Union. Effet d’annonce? « J’ai confiance, soutient Daniel Hoeffel. Monsieur Jouyet est une personne au fait. Il a vécu à Bruxelles les négociations des fonds structurels, il a l’habitude de rencontrer les acteurs locaux. Ce n’est pas juste un homme politique, c’est un vrai technicien de l’Europe. Il sait qu’on ne peut plus se passer de l’avis des collectivités territoriales.» Les propositions concrètes se font cependant attendre. Seul temps fort connu au programme : des conventions thématiques, organisées à partir de la mi-mars 2008 par Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, dans huit grandes villes de France.
Katleen Marie Bilas, à Strasbourg
Une école européenne pour Strasbourg
L’école européenne ouvrira ses portes en septembre 2008. Le système est inédit en France. Sous contrôle pédagogique de Bruxelles, 450 élèves pourront y suivre un programme strictement européen et gratuit dans trois langues : français, anglais et allemand. Les enfants issus d’un autre pays de l’Union y disposeront également d'un enseignement de leur langue maternelle. Le cursus ira de la maternelle au baccalauréat européen, un diplôme reconnu par les 27 membres de l’Union.
Ouverte à tous, cette école accueillera en priorité les enfants de fonctionnaires européens, Conseil de l'Europe en tête. Jusqu’à ce jour, ils étaient accueillis à Karslruhe, où se trouve l’école européenne allemande.
Les inscriptions ouvriront dès janvier.
Ratiba Hamzaoui