18 décembre 2007
Partisan d’une Europe de la défense, Alain Lamassoure, se réjouit de l’évolution des relations diplomatiques de la France avec les Etats-Unis et de la signature du traité de Lisbonne. Député européen et secrétaire national de l’UMP pour les affaires européennes, il estime qu’une coopération renforcée, regroupant les pays prêts à avancer plus vite que leurs partenaires, pourrait créer un effet d’entraînement.
La présidence française de l’Union européenne sera-t-elle un temps fort pour la construction d’une Europe de la défense ?
Nicolas Sarkozy a compris qu’on ne pourra faire progresser l’Europe de la défense qu’en relation avec les Etats-Unis et non pas contre eux, comme ont eu tendance à le faire ses prédécesseurs. Mais pour avancer avec les Américains, il faudra attendre la prochaine élection présidentielle et la mise en place de la nouvelle administration, opérationnelle au premier semestre 2009.
Il y a aussi un problème de calendrier avec les Britanniques. Gordon Brown, tout comme Tony Blair avant lui, est très intéressé par le développement d’une Europe de la défense. Mais il devra attendre la ratification du nouveau traité par son pays et peut-être même les prochaines élections pour disposer de réelles initiatives dans ce domaine. Ces blocages avec ces deux acteurs majeurs expliquent pourquoi nous n’avancerons pas autant que nous pourrions le vouloir pendant la présidence française de l’UE sur les questions de défense.
Des progrès plus nets auront sans doute lieu quand on bénéficiera du nouveau cadre apporté par le traité de Lisbonne, notamment en ce qui concerne les coopérations renforcées sans exigence de nombre minimal de participants.
Donc, pour vous, l’avenir de l’Europe de la défense passera par ces coopérations renforcées ?
Certainement. Pour une Europe de la défense, il va falloir bâtir une relation de confiance entre la France et les Etats-Unis et, à l’intérieur de l’Union européenne, il faudra lancer une initiative à quelques pays avec au moins la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Sans les Britanniques, ça ne serait pas sérieux. Après, nous pourrons espérer un effet d’entraînement.
Ce n’est pas un secret : tous les pays de l’Union ne sont pas prêts à accepter la même chose en matière de défense. Certains sont attachés à leur neutralité, d’autres sont très atlantistes et il ne faut jamais perdre de vue que nous n’avancerons qu’avec Washington. Il faudra se partager les tâches entre l’Union européenne et l’Otan, c’est une question de bon sens. Nous le faisons déjà sur certains terrains d’action. Dans l’intérêt de tous, l’Union devra pouvoir assurer elle-même sa défense. Les Américains ont assez à faire partout dans le monde.
Afin de rassurer Américains, Britanniques et Allemands, et dans l’objectif de construire une Europe de la défense, pensez-vous que la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’Otan soit indispensable ?
C’est une évidence. Je suis totalement d’accord avec la position de Nicolas Sarkozy : il faut négocier avec Washington et nos partenaires pour définir la nouvelle position de la France dans l’Alliance atlantique. En contrepartie, les Etats-Unis pourront accepter le développement d’une défense européenne qui travaillera en bonne intelligence avec l’Otan. Un véritable état-major européen pourrait ainsi exister, ce qui posait problème jusque-là.
Guillemette Jolain
avec Pierre-Louis Lensel à Strasbourg