11 mars 2020
En laissant des milliers de réfugiés traverser sa frontière nord avec la Grèce, la Turquie a plongé l'Union européenne dans une nouvelle crise migratoire. Les eurodéputés réunis à Bruxelles, mardi 10 mars, ont appelé la Commission à proposer de nouvelles solutions pour pallier les fragilités persistantes du système d'asile européen.
Depuis le 28 février, plusieurs milliers de migrants, principalement syriens, ont franchi la frontière turque pour rejoindre la Grèce. Une situation qui ravive le souvenir de la crise migratoire de 2015 et dont les eurodéputés ont débattu le 10 mars en session plénière à Bruxelles. Au coeur du problème : la décision du Président turc, Recep Tayyip Erdogan, de dénoncer un accord signé avec l'Union européenne (UE) en 2016. Aux termes de celui-ci, la Turquie s'était engagée à ne plus laisser passer de migrants en échange d'une aide européenne de six milliards d’euros pour la gestion des réfugiés présents sur son sol.
Au Parlement européen les avis sont partagés quant au comportement à adopter par rapport à la Turquie. Pour Manfred Weber, président du groupe parlementaire PPE (droite), il est nécessaire de restaurer le dialogue. "Il faut envisager un nouvel accord", a-t-il ainsi estimé dans l'hémicycle. De son côté, la vice-présidente du groupe S&D (sociaux démocrates), Kati Piri privilégie le rapport de force avec Erdogan. Selon elle, "il est temps de faire respecter l'accord avec Ankara".
La commissaire européenne, Ylva Johansson, débat avec les eurodéputés de la crise migratoire à la frontière greco-turque. © European Union 2020 - Source : EP/Mathieu Cugnot
"L'accord avec la Turquie nous revient comme un boomerang", a quant à lui dénoncé Damien Carême, eurodéputé français du groupe les Verts. Il a exhorté à la mise en place d'une politique d'asile européenne plus ambitieuse. Une position largement partagée au sein des groupes Renew Europe (libéral) et de la GUE (extrême gauche).
Une politique commune d’asile problématique
La crise actuelle à la frontière greco-turque souligne en effet les failles persistantes du système actuel d'asile européen. "Nous devons réformer les accords de Dublin, il nous faut un nouveau pacte pour l'asile et les migrations", a affirmé Roberta Metsola, eurodéputée maltaise du PPE. S'il y a bien une coordination européenne depuis 2003, aucune véritable politique commune en matière d'asile n'existe. Car c’est le premier pays dans lequel arrivent les migrants qui doit prendre en charge le traitement des demandes d'asile.
"Il faut s’entendre sur une véritable politique d'asile commune. La tâche n’est pas facile, mais je suis plus optimiste aujourd’hui. Je prépare des propositions", a assuré Ylva Johansson, la commissaire européenne aux affaires intérieures. Elle espère pouvoir les présenter autour de Pâques. Mais toute nouvelle mesure nécessitera l'approbation à l'unanimité par les 27 Etats membres de l'UE pour être appliquée. Plusieurs pays d'Europe centrale, comme la Hongrie, la Pologne, ou l'Autriche ont d’ores et déjà annoncé leur refus d’un système de répartition des demandeurs d'asile selon des quotas.
Mais pour l'instant, la priorité pour l'UE semble être de renouer le dialogue avec la Turquie. Le 9 mars, le Président turc s'est rendu à Bruxelles pour négocier une révision en profondeur de l'accord de 2016 avec le Président du Conseil européen, Charles Michel, et la Présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen. Aucune solution n'a pour l'instant été trouvée entre les deux parties. Pour tenter de débloquer la situation, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président français Emmanuel Macron ont prévu de se rendre à Istanbul le 17 mars à l'occasion d'un sommet sur les migrants avec Recep Tayyip Erdogan.
Thibault Nadal et Amélie Rigo