11 mars 2020
Les eurodéputés ont débattu, mardi 10 mars, du projet de budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Ils ont réaffirmé leurs profonds désaccords avec les propositions de la Commission et des États membres. Les négociations, engagées en 2018, patinent.
« Le Parlement européen ne peut pas accepter une proposition de budget qui va contre l’Europe. » Le député portugais José Manuel Fernandes, membre du PPE (droite), donne le ton. Réunis à Bruxelles mardi 10 mars, les eurodéputés ont durement critiqué la proposition de Charles Michel sur l’enveloppe budgétaire prévue pour la période 2021-2027. Le président du Conseil européen leur avait proposé que chaque État contribue à hauteur de 1,07% du revenu national brut (RNB) des pays de l’Union. Les élus européens réclament pour leur part une participation de 1,3% du RNB. Ils regrettent que la proposition de Charles Michel soit encore inférieure à celle de la Commission en mai 2018, qu’ils jugeaient déjà décevante.
Pour l'instant également rejetée par les États membres, ce projet conduirait à des coupes dans des domaines essentiels aux yeux des eurodéputés.
« Ce budget va définir quelle Europe on va construire les prochaines années, en matière de changement climatique, de politiques régionales, d'agriculture mais aussi comment on va s’adapter aux nouvelles questions comme celles des migrations. Il est impossible de faire plus avec moins de ressources, comme certains le proposent », a déclaré dans l’hémicycle la présidente espagnole du groupe S&D (sociaux-démocrates), Iratxe García Pérez.
La PAC et la recherche, au cœur des crispations
Les trois institutions de l’UE s’accordent sur la nécessité d’une hausse du budget alloué à l’environnement et l’action climatique. Mais c’est bien là leur seul terrain d’entente. Les financements de l’agriculture et de la recherche cristallisent, au contraire, les oppositions. La proposition de Charles Michel prévoit une baisse de 14% du budget de la politique agricole commune (PAC), soit 53 milliards d’euros d’économie. Les eurodéputés ont demandé quant à eux une stabilisation du budget alloué aux agriculteurs. « Quand on parle tous d’être plus ambitieux sur l’environnement, pour combattre le changement climatique, on ne peut pas le faire avec moins d’argent », souligne l’Allemand Norbert Lins, membre du PPE (droite), président de la commission Agriculture.
La Fédération départementale des syndicats d’exploitations agricoles (FDSEA) du Bas-Rhin suit avec attention les débats européens. « De nombreuses exploitations vivent intégralement des aides de la PAC et ont déjà des revenus très bas », alerte son président Yohann Lecoustey. Il s’inquiète de l’annonce de Charles Michel. Un avis partagé par Paul Fritsch, président de la Coordination Rurale 67. Ce dernier espère cependant couvrir la perte de certaines aides de la PAC par celles finançant la transition écologique. « Les exploitants agricoles jouent un rôle essentiel dans le stockage de l’eau et du carbone, rôle qui pourrait être plus largement subventionné », propose-t-il.
Dans le domaine de la recherche, le président du Conseil européen recommande une enveloppe 87 milliards d’euros, notamment pour le programme Horizon Europe qui finance des projets scientifiques dans les pays membres. Mais cette hausse, de 17 milliards d’euros par rapport au budget actuel, ne satisfait pas le Parlement européen. Les élus réclament une enveloppe de 120 milliards d’euros. « On a besoin de financements publics et indépendants et non de financements provenant d’entreprises privées. Elles auront toujours un intérêt lucratif dans la recherche », martèle Rasmus Andresen, eurodéputé allemand chargé des questions budgétaires pour le groupe des Verts.
Le temps presse
Mais si les négociations engagées en 2018 n’aboutissent pas, cela pourrait devenir problématique. Pour Maroš Šefčovič, vice-président de la Commission européenne, « il faut avoir le sens de l’urgence, il faut voter un budget rapidement ». Le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement aura lieu le 26 mars. Ils devront s’accorder sur un budget qui leur convienne à tous. Ils devront ensuite passer par la validation obligatoire du Parlement européen. Le temps presse : certains programmes comme Horizon Europe ou Erasmus+ pourraient être directement menacés si aucun budget n’est adopté avant le 31 décembre 2020. Emmanuel Macron a néanmoins déjà annoncé vouloir prendre « tout son temps » pour trouver un consensus. Quoi qu'il en soit, les discussions pourraient bien être freinées par la crise du coronavirus : l’essentiel des réunions européennes prévues les prochaines semaines ont déjà été annulées.
Killian Moreau, Eva Moysan, Justine Maurel, Juliette Mylle