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Une agence pour dépenser plus et mieux


18 décembre 2007

Créée en 2004 par le Conseil européen dans le but de mettre en place un marché commun de la défense, l’Agence Européenne de Défense (AED) ne dispose toujours pas d’un budget suffisant pour pour satisfaire à ses objectifs.

«Il y a 25 véhicules blindés de transport différents au sein de l’Union Européenne, explique Patrick Lefort, membre de la direction Industrie et Marché de l’AED, il faut forcer les États membres à coopérer.»
Coopérer, c’est le mot d’ordre de l’AED installée Rue de Drapiers, au coeur de Bruxelles. Forte de 100 personnes mises à disposition et payées par les États membres, elle travaille sous l’autorité du Conseil européen et de Javier Solana, le haut représentant pour la PESC, en collaboration avec les industriels européens de la défense et la Commission européenne pour, à terme, conduire une véritable politique européenne en matière d’armement.

France et Royaume-Uni: 60% des dépenses

Le budget alloué par les États membres à la défense ne représente que 46% de celui des États-Unis. La France et le Royaume-Uni sont les plus gros investisseurs en consacrant environ 2 % de leur PIB soit au total 60% des dépenses européennes pour la défense.
Pour économiser et concurrencer les États-Unis, l’AED travaille sur une harmonisation des matériels de défense. Il existe déjà, au niveau intergouvernemental, des coopérations en matière d’équipement de défense comme le Tigre, l’hélicoptère franco-allemand, mais il faudrait les étendre au niveau communautaire.
Dans le domaine de la Recherche et Technologie (R&T), les pays de l’Union dépensent deux milliards d’euros par an. Mais Il s’agit de l'addition de 27 programmes de recherche distincts qui font souvent doublon. Pour faire des économies, l’agence prône une mise en commun de ces investissements, mais le concept de finance commune de la R&T est difficile à accepter. Les bons payeurs sont réticents à l’idée d’aider les industries d’autres membres sans obtenir un “juste-retour” équivalent à leur investissement. Pour cette raison, la contribution des Etats membres à la réalisation des objectifs de l’AED se fait sur une base volontaire.

27 marchés nationaux

«Par tradition, la défense reste un domaine national», explique David Oppenheimer, assistant d’Ana Gomes, membre de la commission défense au Parlement européen. Il existe aujourd’hui dans l’Union européenne 27 marchés de la défense nationaux très cloisonnés. C’est dans l’optique de créer un marché commun compétitif que l’AED a mis en place en 2006 un Code de conduite en matière d’acquisition d’armement. Un “tournant” pour l’agence puisque les pays souscripteurs doivent désormais donner des opportunités égales et loyales à tous les industriels européens lorsqu’ils souhaitent acheter du matériel de défense: fini -sur le papier- le favoritisme envers les industries nationales. Les membres publient leurs appels d’offre sur un bulletin électronique, nommé EBB (Electronic Bulletin Board for European Defence Contract Opportunities) et hébergé par l’AED censé donner de la transparence au choix et à l’attribution des contrats.
Ce Code de conduite permet de limiter le champ d’application de l’article 296 du Traité du Rome qui indique que “tout Etat membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre”. Les Etats abusaient de cet article pour attribuer systématiquement leurs commandes à leurs industries.
Selon David Oppenheimer, les pays comme l’Espagne, la République Tchèque et la Pologne qui possèdent de petites industries sont réticents à ce mode de fonctionnement puisque ils craignent, à terme, de les perdre. «De manière générale, un certain nombre d’industries veut garder son marché national et conquérir celui des autres pays. Officiellement toutes les industries soutiennent un marché commun de la défense mais toutes usent de manoeuvres pour retarder le processus», explique un employé de l’AED. Seules les entreprises multinationales comme EADS, très compétitives, trouvent un réel intérêt à un marché commun de la défense.

Le paquet de la Commission

Pour simplifier les procédures liées à une ouverture des marchés nationaux vers un marché communautaire de l’armement, la Commission européenne a proposé le 5 décembre deux directives. La première concerne les marchés publics dans le domaine de la défense, la seconde vise à réduire les obstacles aux échanges commerciaux des produits de défense dans l’Union. Elles seront étudiée par le Parlement et le Conseil au cours de la Présidence française.
Pour 2008, l’AED dispose d’un budget de 32 millions d’euros sensiblement plus élevé qu’en 2007 même si l’organe n’a toujours pas réussi à obtenir la planification budgétaire pluriannuelle (sur trois ans) qui lui offrirait une visibilité suffisante. « Visiblement tous les pays n’ont pas d'intérêt à voir une Europe de la défense se développer trop vite», commente Patrick Lefort.
Seul membre à opposer son veto à l’adoption d’un tel budget, le Royaume-Uni fait planer un doute sur sa volonté de renforcer l’Europe de la Défense. Pour lui, l’agence n’a pas encore fait preuve de son efficacité et il n’est pas question d’investir à moyen terme.

Mélior Mouamma à Bruxelles

 

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