18 décembre 2007
Le traité de Lisbonne fait du Conseil européen une véritable institution, avec à sa tête un président élu pour deux ans et demi. Il prévoit aussi l'élection d'un Haut représentant pour les Affaires étrangères.
À l'heure actuelle, les pays membres exercent la fonction présidentielle à tour de rôle. Le Conseil européen est présidé par le chef d'Etat ou de gouvernement du pays qui exerce la présidence pour six mois.
Chacun de ses ministres préside la formation du Conseil qui relève de ses compétences. Le ministre des Affaires étrangères occupe une place centrale dans ce dispositif.
Si le traité entre en vigueur à la date prévue, la France sera le dernier pays à assurer ce type de présidence.
Une Europe à têtes multiples
A l'entrée en vigueur du traité, le Conseil européen, qui devient une institution, élit à la majorité qualifiée un(e) président(e) stable, à plein temps, pour deux ans et demi, renouvelables une seule fois. Cette durée théorique de cinq ans correspond à celle des mandats du Parlement européen et de la Commission. Les noms de Jean-Claude Junker, Tony Blair et Anders Rasmussen sont aujourd'hui ceux qui circulent le plus.
Simultanément, avec l'accord de la Commission et l'approbation du Parlement, le Conseil élit, à la majorité qualifiée, un(e) Haut(e) représentant(e) de l'Union pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité (PESC). C'est lui qui présidera le Conseil des Affaires étrangères et celui des ministres de la Défense. Son adjoint présidera le comité politique et de sécurité, qui joue un rôle central dans la définition et le suivi de la réponse de l'Union européenne à une crise.
L'Eurogroupe est lui aussi doté de son propre président, également pour deux ans et demi renouvelables. Une mesure qu'il a choisi d'anticiper depuis septembre 2004, en élisant le Premier ministre luxembourgeois, également ministre des Finances, qui achèvera son second mandat le 31 décembre 2008.
La présidence tournante par les Etats membres demeure mais ses prérogatives, et donc sa visibilité politique, se réduisent comme peau de chagrin. Par contre, le poids de son représentant permanent à Bruxelles s'accroît.
La présidence tchèque pourrait être la première à essuyer les plâtres de cette nouvelle formule : reste à redistribuer les rôles, à préciser le contenu des fonctions, les moyens d'action et à mesurer les effets de concurrence qui s'y attacheront.
Katleen Marie Bilas
Entrés dans la dernière ligne droite avant la présidence, les Français tentent de s'intégrer dans le milieu élitiste et influent des think tanks. Un dialogue difficile, mais qui va en s'intensifiant.
Français et think tanks ne parlent pas toujours la même langue. Le 10 décembre, au sein du Centre for European Policy Studies, un des plus influents «centres de réflexion» bruxellois, Patrick Lachausée, représentant du ministère des Affaires Etrangères, a eu du mal à présenter la position française sur la protection diplomatique et consulaire des citoyens européens. Tout simplement parce qu’il ne maîtrisait pas assez bien l’anglais. Or la plupart des conférences et des débats tenus par ces groupes se font dans la langue de Shakespeare.
Les acteurs politiques français comprennent de plus en plus l’importance de leur participation aux travaux des think tanks. Car la politique européenne ne se construit pas seulement au sein des institutions consacrées, telles que la Commission, le Conseil ou le Parlement. Avant d’arriver sur la table des décideurs, les idées et les initiatives sont souvent élaborées et débattues dans le cadre de ces «réservoirs d’idées». Groupes indépendants de chercheurs et d’experts tentent d’anticiper et influencer la politique européenne, à travers des études scientifiques, des publications, des tables rondes, des conférences ou des séminaires.
Rattraper le retard
Très actifs aux Etats-Unis depuis le début du XXème siècle, les think tanks sont de plus en plus présents à Bruxelles. La France accuse du retard sur ce terrain. Ses premiers think tanks ont été créés dans les années 80. Les hommes politiques de l’Hexagone n'ont compris leur importance qu'à partir de 2000. Michel Barnier, ancien commissaire européen à la politique régionale, a été l'un de leurs principaux propagandistes. Aujourd'hui, cinq personnes du bureau de presse de la représentation permanente travaillent étroitement avec ces organismes. Philippe Ray, responsable de cette équipe, se charge d’assurer une présence française dans toutes leurs manifestations. Il liste toutes les activités des think tanks bruxellois. Et, s'il constate qu'aucun Français n'est invité, il essaye d'y envoyer quelqu'un. Le cas échéant, lui et ses collègues y assistent personnellement. Ils prennent des notes et les publient dans un magazine mensuel destiné à sensibiliser les politiques français. «Notre préoccupation est de savoir ce qui se dit et de prendre des idées. L’intérêt de la réflexion des think tanks, c’est qu’elle inclut le long terme, alors que les hommes politiques Français et Européens travaillent sur le court terme.»
Philippe Ray voit aussi dans ces laboratoires un outil de diffusion des idées défendues par la France. «On nous dit souvent que nos idées sont bizarres. Mais quand on les expose, elles sont assez bien perçues. Par exemple, lorsque les Français viennent à Bruxelles devant un think tank pour expliquer pourquoi Nicolas Sarkozy veut faire l’Union de la Méditerranée et le Comité des sages, ces idées font leur chemin.»
Un calendrier des think tanks européens à Bruxelles est mis à jour toutes les semaines sur le site de la représentation permanente.
A Bruxelles,
Mihaela Carbunaru