16 mars 2023
À Strasbourg, les eurodéputés veulent inciter les pays européens à moderniser le revenu minimum pour les personnes les plus défavorisées. Mais la tâche s’annonce longue et ardue.
95,4 millions de personnes dans l’Union, soit 21,7% de la population, étaient menacées de pauvreté et d’exclusion sociale en 2021. Avec la pandémie et l’inflation (+10% dans l’Union européenne en janvier dernier), ce chiffre pourrait encore augmenter et avoir un impact sur cette population fragile. La situation témoigne d’une réelle urgence pour les députés européens. « Comment votre doigt peut-il trembler quand il s’agit d’apporter la protection aux plus vulnérables ? », a lancé Mounir Satouri (Les Verts, écologistes), vindicatif. Ils ont appelé dans l'hémicycle à mettre en place un revenu minimum adéquat dans chaque État-membre, c’est-à-dire au-dessus du seuil de pauvreté.
Pour remédier à ce problème, ils veulent faire en sorte que les montants du revenu dépassent ce seuil, qui varie au sein de l’Union entre 2 300 et 21 000 euros bruts par an (voir carte). Cette aide sociale permettrait par la suite aux citoyens les plus pauvres d’accéder à des services essentiels tels que les soins de santé et l’éducation.
La mise en place d’une directive divise
Pour cela, il faut que le texte soit contraignant. L’ensemble des députés de gauche réclament ainsi une directive, pour obliger les pays à agir. C’est le cas de l’eurodéputée française et vice-présidente de la Commission parlementaire de l’emploi et des affaires sociales, Leila Chaibi (GUE/NGL, extrême gauche). Autrement dit, elle appelle la Commission à utiliser une directive, pour astreindre les États à fixer des objectifs au-delà de leur seuil de pauvreté. Elle l’imagine par ailleurs avec une clause de non-discrimination. Cela obligerait par exemple le gouvernement français à ouvrir le Revenu de solidarité active (RSA) aux moins de 25 ans, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
« Les traités ne nous laissent pas beaucoup de marge »
Du côté droit de l'hémicycle, Krzysztof Hetman (PPE, droite) est défavorable à un système imposé par l’UE. Selon lui, c’est aux États membres de prendre les mesures nécessaires. Il ne souhaite pas voir l’Union européenne interférer sur les revenus minimums des pays. Même constat chez les eurodéputés du groupe ECR (Ultra-conservateurs) et Elzbieta Rafalska. C’est le mot « directive » qui dérange le parti. « C’est inacceptable », selon l’eurodéputée, dont le groupe a voté contre la mesure.
Le commissaire européen à l’emploi et aux droits sociaux Nicolas Schmitt ne sait pas sur quel pied danser : « Les traités ne nous laissent pas beaucoup de marge », reconnaît-il. Selon lui, il n’est pas possible juridiquement de mettre en place une directive au sujet du revenu minimum, puisque cela ne fait pas partie des champs d’action de la Commission. Nicolas Schmitt n’est pourtant pas opposé à légiférer sur le sujet, au contraire : « Il ne faut pas laisser de côté des personnes qui ne touchent pas de revenu minimum parce qu’elles ne savent pas se débrouiller ou parce qu'elles ont honte. La honte est du côté de ceux qui n’aident pas ! », a-t-il assuré.
La Commission compte tout de même mettre en place un suivi annuel, et la publication tous les trois ans d’un rapport sur les progrès réalisés. Un entre-deux qui illustre l’impasse dans laquelle l’Union européenne se trouve sur les sujets sociaux : celle de pouvoir encourager les États membres à agir, sans pour autant leur imposer de mesures contraignantes.
Julie Arbouin et Thomas Bonnet