10 mars 2022
Lors de la session plénière du Parlement européen à Strasbourg, les députés se sont penchés sur les passeports et les visas dorés. Une pratique controversée qui revient dans l’actualité avec les sanctions prises contre les hommes d’affaires proches de Vladimir Poutine.
« Beaucoup d’oligarques Russes achètent leur citoyenneté ou leurs visas dorés et échappent aux sanctions en montrant leur passeport. Cela doit s'arrêter ! » a déclaré Sophia In’t Veld (Renew, libéraux). Le rapport d'initiative de la députée néerlandaise réclame la régulation des « visas dorés », ces pratiques permettant d’obtenir un titre de séjour contre investissement et l’interdiction de la vente de la citoyenneté européenne, « les passeports dorés ». Le prix de ces programmes vont de 60 000 à 10 millions d’euros et permettent aux grandes fortunes russes d’échapper aux sanctions internationales.
Douze pays de l’Union européenne proposent l’achat d’un titre de séjour et trois vendent leur citoyenneté, à savoir la Bulgarie, Chypre et Malte. Le gouvernement maltais a, d’ailleurs, suspendu le 2 mars son système d’attribution de la citoyenneté contre investissement pour les personnes originaires de Russie et de Biélorussie en réaction à l’invasion de l’Ukraine.
Lutter contre la corruption
Ce rapport propose l’élimination progressive des passeports dorés d’ici 2025, une régulation stricte des visas et un prélèvement de 50% au bénéfice de l’UE sur chaque investissement en échange d’un titre de séjour ou d’une citoyenneté. « Nous voulons des investissements injectés dans l’économie réelle et faire en sorte que les investisseurs de bonne foi obtiennent des visas dans les États membres », explique Sophia In’t Veld.
Facteurs de corruption et de blanchiment d’argent, ces programmes sont très critiqués par la majorité des eurodéputés, notamment par le grec Konstantinos Arvanitis (La Gauche) : « Il est inhumain d’avoir des personnes qui meurent de froid, qui se noient à nos frontières alors qu’il existe une porte pour blanchir l’argent sale ».
Seule l'extrême droite européenne défend une position plus nuancée : « La culpabilité est individuelle. C’est une des valeurs de l'Europe. Il ne faut pas condamner l’ensemble des oligarques et leurs familles », tempère l’allemand Nicolaus Fest (ID, extrême droite). Ce dernier a participé à la rédaction du rapport mais s’est abstenu lors du vote en plénière.
Un rapport qui met la Commission sous pression
Dans ce contexte, la Commission européenne se retrouve sous pression pour proposer des solutions : « Cette fois je ne vais pas vous lâcher, je vais vous traquer, vous pourchasser, jusqu'à ce que vous fassiez cette proposition », a averti Sophia In’t Veld en s’adressant directement à Didier Reynders, commissaire aux libertés civiles, de la justice et aux affaires intérieures.
L´élu néerlandaise, qui porte ce combat depuis 2014, accuse la Commission de vouloir laisser les États membres concernés adopter leur propre législation sur le sujet. Le risque étant qu'à l'échelle nationale, rien ne soit fait et que le problème perdure.
Selon une étude réalisée en octobre 2021 par la Commission, 132 000 personnes ont obtenu une résidence ou la citoyenneté européenne par le système des passeports dorés entre 2011 et 2019. Cela représente un investissement total d’environ 21,4 milliards d’euros dans les États concernés.
Dorian Mao et Amine Snoussi