06 mai 2022
Les sanctions prises contre la Russie ce mercredi par l’Union Européenne visent à un abandon progressif des hydrocarbures russes. À la recherche d’alternatives gazières, les eurodéputés poussent l’UE à aller plus loin dans ses objectifs écologiques.
Kadri Simson lors des questions à la Commission à Strasbourg, le mardi 3 mai 2022. © European Union 2022 - Source : EP
« Il faut à tout prix éviter les plus graves conséquences pour l’hiver prochain », a alerté la Commissaire européenne à l’Énergie Kadri Simson, lors d’une session de questions/réponses au Parlement Européen (voir encadré). À l’heure de l’adoption d’un embargo sur le pétrole russe, l’urgence de reconsidérer les approvisionnements énergétiques européens à court-terme se fait ressentir dans les institutions européennes.
Pour s’extraire de sa dépendance - en 2021, 45% du gaz importé dans l’UE était russe - , la Commission a décidé de se tourner vers les autres fournisseurs de gaz naturel. Elle mise sur la construction de nouveaux terminaux méthaniers d’ici 2 ans, qui permettront l’acheminement de plus de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance de pays tiers (Etats-Unis, Qatar, Algérie). L’Union a aussi annoncé avoir remis dans les tuyaux des projets de gazoduc, comme celui de Midcat devant relier la péninsule ibérique au reste de l’Europe, qui avait été abandonné en 2019. Cela pour remédier aux lacunes du transport du gaz en Europe, qui condamne encore certains pays ne disposant pas de terminaux à la dépendance énergétique aux puissances extérieures.
Des écologistes de plus en plus inquiets
Ces alternatives aux énergies fossiles inquiètent les députés écologistes et socialistes, qui doutent de la capacité de l’Union Européenne à atteindre ses objectifs climatiques. Dans le Pacte Vert, la Commission s’est engagée à respecter une part minimale de 40% d’énergies renouvelables dans le mix énergétique global, pour la sortie progressive des énergies fossiles. Un objectif rappelé par les eurodéputés : « Notre autonomie ne se fera pas si l’on ne sort pas du fossile », a déclaré l’eurodéputé socialiste Nicolás González Casares (S&D, sociaux-démocrates) en session.
L’eurodéputée Marie Toussaint (Verts/ALE, écologistes) a tenu à préciser les dernières recommandations du GIEC : « il faut cesser de construire des infrastructures gazières et il faudra en fermer certaines avant retour sur investissements ». La Commission se veut rassurante. Pour elle, ces infrastructures gazières seront réutilisées à l’avenir pour l’acheminement de biométhane et d’hydrogène vert. Mais du point de vue des scientifiques, parmi lesquels l’institut de recherche Iddri, « les technologies utilisant de l’hydrogène vert ne représentent pas une solution déterminante à horizon 2030 ». L’organisme insiste sur le fait qu’il est « impératif d'accélérer les ambitions dans les énergies renouvelables ».
Un plan pour le mix énergétique
C’est d’ailleurs ce que demandent certains groupes politiques à la Commission européenne. L’extrême-gauche souhaite que dans le deuxième plan visant à rendre l'Europe indépendante des combustibles fossiles russes d’ici 2027 (REPowerEU), l'exécutif européen affiche un nouvel objectif de 50% d’énergies renouvelables d’ici 2030. La droite européenne (PPE, droite) est moins ambitieuse. Elle défend un objectif à 45%. Car le PPE n’oublie pas l’uranium, affirmant qu’il a un rôle important à jouer. « Il faut impérativement demander aux Etats membres de ne pas fermer leurs centrales nucléaires, en particulier la Belgique et l’Allemagne », affirme François-Xavier Bellamy (PPE, droite). Selon l’eurodéputé, « il ne faut pas passer dans la dépendance à d’autres sources de gaz naturel ».
Pour se passer le plus rapidement possible des énergies fossiles, un autre levier est dans les mains de l’UE : l’efficacité énergétique, qui permet de jouer sur la consommation. De nouvelles propositions pourraient aller dans le sens des économies d’énergie dans le prochain volet de REPowerEU. Les eurodéputés regrettent cependant un manque de discussions autour de ces sujets. Une frustration que partage Nicolas Berghmans, chercheur à l’Iddri: « L’avantage législatif de l’efficacité, c’est la possibilité d’appliquer des normes à tous les États membres ». Ce que l’Union pourrait le plus rapidement mettre en place.
Baptiste Candas et Quentin Celet
Les débats autour de l'autonomie énergétique européenne se sont tenus dans un format original, cette semaine au Parlement européen. L'heure des questions à la Commission fait en effet partie des nouveautés testées pour les sessions parlementaires des mois d'avril, mai et juin 2022. Son objectif est de dynamiser les débats avec un jeu de questions/réponses sur des thématiques définies à l'avance. Pendant un peu plus d'une heure, les eurodéputés ont pu poser des questions courtes à la Commissaire à l'Energie, Kadri Simson, qui disposait de 2 minutes pour y répondre. Chaque député avait la possibilité de surenchérir avec une autre interrogation.
Depuis le 5 avril, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le haut-représentant aux affaires étrangères Josep Borrell et la majorité des commissaires se sont pliés à l'exercice. Mais ce mardi 3 mai, le président du Conseil européen Charles Michel ne s'est pas présenté dans l'hémicycle. Une situation « inacceptable » pour le leader allemand du groupe d'extrême-gauche Martin Schirdewan, qui espère sa venue pour « répondre aux questions de la prochaine session ».