Par Franziska Gromann
Etre prêtre, c’est aussi un métier, ou des métiers. Jean Stahl est prêtre depuis plus de 40 ans dans le diocèse de Strasbourg. En mai 68, il milite à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne), veut réformer l’Education nationale, la vie dans les lycées, il songe un temps à un engagement politique… Finalement,il se mettra au service de l’Eglise. Il raconte aujourd’hui son itinéraire dans une institution confrontée à une crise du nombre, où le nombre de messes suit la courbe descendante du nombre de pratiquants.
Photo Par Ji-Elle — Travail personnel, CC BY-SA 3.0
Pour aller plus loin
« Les caractéristiques d’un bon curé sont ceux du Christ-Bon Pasteur. Comme un pasteur qui connaît son troupeau, le curé connaît sa paroisse et les membres de la communauté », explique Bernard Xibaut, chancelier de l’archidiocèse de Strasbourg. Avec cette description presque rurale, il est difficile d'imaginer les conditions de travail d'un prêtre dans le monde moderne. Pourtant aujourd’hui comme autrefois, l'église reste un employeur, proposant des emplois depuis presque 2000 ans, avec une histoire à succès passant d’un statut de petite start-up à la détention du monopole du salut de l’âme dans une partie considérable du monde. Il est sûrement discutable de considérer le salut de l'âme comme un domaine professionnel, mais l'activité pastorale est une vocation personnelle autant que professionnelle.
Si l’Eglise catholique est universelle dans sa structure globale, l’organisation du travail et, surtout, le régime de travail auquel les prêtres et plus spécifiquement les curés sont soumis varient selon le pays. L’Alsace-Moselle se trouve, par son histoire, au croisement de deux systèmes différents: initialement, la relation entre État et église catholique en France était réglée par le concordat de 1801 signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VIII. Transformé en législation, cela signifiait entre autres que l’État salarie les ministres des cultes alors reconnus sur le territoire français (catholique, luthérien, réformé et israélite). Quand en 1905, en France, la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat modifie les rapports aux cultes, l’Alsace-Moselle fait partie de l’empire allemand. Les règles du Concordat sont maintenues dans les trois départements alsaciens-mosellan, même après leur réintégration dans le territoire français en 1918. Cette décision est souvent contestée, mais elle reste en vigueur. La différence entre prêtres alsaciens et mosellans et « de l’intérieur » se manifeste ainsi jusqu’à leur fiche de paie : dans les territoires de l’Est, en vertu du Concordat, celle-ci est délivrée par l’État selon la grille indiciaire de la Fonction publique, pendant que les prêtres du reste de la France reçoivent une « indemnité » de l’Eglise. Le montant diffère selon les régimes — un prêtre en Alsace-Moselle, selon le quotidien La Croix(10 février 2018) reçoit 1300€ pour un vicaire et 2300€ pour un curé confirmé. Son homologue « de l’intérieur » doit se contenter d’environ 1000 euros, selon la même source.
Outre-Rhin, dans l’archidiocèse de Fribourg en Allemagne, les prêtres sont considérés comme exerçant une mission de service public. Leur salaire est au niveau de celui d'un proviseur de lycée, environ 4500 euros par mois et plus, selon l'ancienneté. L'église n'est pas aussi généreuse avec tous ses employés : fin 2017, l'archidiocèse de Fribourg était au cœur d'un scandale autour de cotisations sociales impayées depuis des années, concernant surtout les petits emplois dans les paroisses. Depuis, l'archidiocèse a mis à disposition un budget d'urgence de 160 millions d'euros pour rembourser impayés, dettes et amendes.
Etre prêtre et curé apparait comme un emploi stable, avec un revenu satisfaisant (selon la région). Pourtant les chiffres de futurs prêtres entrant et sortant du séminaire sont en baisse constante en France comme en en Allemagne. Fini, le temps où chaque paroisse avait son propre curé et plusieurs vicaires. Aujourd'hui, dans l'archidiocèse de Strasbourg, ils sont 360 prêtres (retraités inclus) pour 767 paroisses, regroupées dans 14 zones pastorales. Correspondre à l’image du bon curé « pasteur qui connaît son troupeau » est donc un défi de plus en plus difficile pour ceux qui l’acceptent.