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Pression italienne sur l’avenir du Parlement européen


14 février 2019

Lors d’un débat sur l’avenir de l’Europe, mardi 12 février, le président du Conseil italien Giuseppe Conte a livré un discours europhile, contrastant avec les réalités de la politique menée dans son pays. Il a notamment insisté sur sa volonté de construire une Europe plus proche du peuple.

« Je suis ravi d’être ici. C’est un honneur et je le dis bien sincèrement. » Le président du Conseil italien Giuseppe Conte est intervenu, mardi 12 février, au Parlement européen. Répétant son attachement à une Union européenne (UE) « unie et proche du peuple », il a exposé aux eurodéputés sa vision de l’avenir de l’UE comme l’ont fait avant lui 16 chefs d’Etat et de gouvernement, depuis début 2018. Dénonçant une « Europe dominée par l’administration », Conte a plaidé pour plus d’équité et plus de solidarité.

Ses paroles étaient attendues dans l’hémicycle strasbourgeois, tant son gouvernement de coalition est controversé. En effet, la politique de la Ligue (extrême-droite) de Matteo Salvini, le ministre de l’Intérieur, et du Mouvement Cinq-Étoiles (anti-système) du ministre du développement économique, Luigi Di Maio, ne suit pas les lignes politiques majoritaires du Parlement européen. De quoi provoquer des tensions, notamment au sujet de la fermeture des ports italiens aux navires de migrants ou à l’égard du respect des critères budgétaires imposés par l’UE.

Bras de fer

Sans surprise, le débat avec les eurodéputés a tourné au bras de fer. Les députées italiennes, membres des partis du gouvernement, Mara Bizzotto (ENL, extrême-droite) et Laura Agea (EFDD, souverainistes) ont soutenu le Premier ministre italien. « Vous êtes le premier gouvernement qui ne plie pas, qui a le courage de dire non à Bruxelles », a salué la première.

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Giuseppe Conte, Premier ministre italien, a défendu sa vision de l'avenir de l'Union européenne devant les eurodéputés. © Mayeul Aldebert

À l’inverse, les sociaux-démocrates, par la voix de leur président Udo Bullman (S&D), se sont montrés inquiets « de voir que l’un des membres fondateurs amène la nation italienne dans l’isolement politique et économique ». Le Belge Guy Verhofstadt (ADLE, libéraux) a dénoncé le passage d’un pays « défenseur et partisan enthousiaste de l’Europe à un qui attaque l’Europe », avant de surnommer Conte la « marionnette de Salvini et Di Maio ».

Élections européennes en ligne de mire

Un débat tendu, à quelques semaines des élections européennes prévues en mai, lors desquelles se jouera la recomposition politique du Parlement européen. La crainte d’une assemblée trop fragmentée est dans toutes les têtes. Surtout depuis que Salvini et Di Maio sont passés à l’offensive pour tenter de peser davantage dans les équilibres politiques de la future assemblée.

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La future recomposition du Parlement européen, après les élections de mai, est dans toutes les têtes. © Fabien Albert

Le leader de la Ligue a pour ambition de construire un front très à droite au sein du Parlement. Pour se faire, il essaye d’attirer les membres de l’aile droite du PPE, notamment les eurodéputés hongrois du Fidesz, le parti du Premier ministre Viktor Orban. Il s’est d’ailleurs rendu en Hongrie en août. Autre pays visité récemment par Salvini : la Pologne, où il s'est déplacé le 9 janvier afin de discuter avec les dirigeants du parti Droit et Justice (PiS, conservateurs et eurosceptiques). Des Polonais à la recherche de nouveaux alliés en raison du départ planifié des conservateurs britanniques, leurs principaux partenaires au Parlement européen. Au vu des positions déjà communes entre la Ligue et le PiS, Italiens et Polonais pourraient bientôt se retrouver au sein d’un même groupe.

En parallèle, Luigi Di Maio multiplie les échanges. Car un autre groupe risque aussi de disparaître à cause du Brexit: l’EFDD, qui associe actuellement les élus Cinq-Etoiles aux Britanniques eurosceptiques de UKIP. C’est dans cette optique que le ministre italien s’est rendu en France début février, pour rencontrer des Gilets Jaunes projetant de former une liste aux élections européennes, et qu’il a pris contact avec les dirigeants de la droite polonaise Kukiz’15, le croate Zivi Zid et les libéraux du Finlandais Liike Nyt.

Officiellement pourtant, à Strasbourg, personne n’ose s’avancer sur les bouleversements à venir du Parlement. « C’est un sujet trop sensible », explique le co-président polonais du groupe CRE et membre du PiS, Ryszard Antoni Legutko.

Au PPE, si on refuse formellement tout rapprochement avec Salvini, on reconnaît néanmoins à demi-mot que « fatalement, il y aura une recomposition ». Et le président du groupe, l’Allemand Manfred Weber laisse planer le doute. « Nous devons travailler avec tous, et écouter tout le monde pour trouver une vision commune », a-t-il affirmé, en septembre, dans un entretien accordé au quotidien italien La Stampa. La porte ouverte à toutes les options.

Mayeul Aldebert et Sarah Lerch

Sommaire de la session parlementaire de février 2019

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