14 février 2019
Le Parlement européen a adopté sa position sur la politique régionale de l’Union européenne mercredi 13 février. Les eurodéputés exigent une augmentation des budgets mais les négociations avec les Etats s’annoncent compliquées.
« L’un des plus importants textes législatifs votés durant notre fin de mandat. » Les eurodéputés ont adopté à une large majorité, mercredi 13 février, le règlement sur l’avenir des aides financières régionales. Un dispositif d’autant plus important qu’avec 351,8 milliards d’euros, la politique de cohésion entre les territoires représente actuellement le deuxième plus gros budget de dépenses de l’Union européenne.
Les nouvelles mesures visent à établir des règles financières communes, pour résoudre les problèmes de coordination des fonds européens et simplifier les démarches administratives. « Il y avait une volonté unanime de simplifier les procédures et les contrôles », indique l’eurodéputé français Younous Omarjee (GUE, gauche anti-libérale). Une position partagée à droite par Marc Joulaud (PPE, chrétiens-démocrates) : « Il était inacceptable que certains porteurs de projets refusent de demander des fonds à cause des démarches administratives trop complexes. »
Corriger les disparités économiques
La politique de cohésion régionale a pour objectif de corriger les disparités économiques et sociales entre les 271 régions européennes par le biais de subventions aux politiques d’emploi, de lutte contre la pauvreté ou encore d’infrastructures. « Les régions qui manquent de croissance économique, comme la Grèce ou la Bulgarie, recevront davantage d’aides pour leurs projets, souligne la commissaire européenne à la politique régionale Corina Cretu. A contrario, ceux qui ont enregistré une hausse de leur taux de croissance verront baisser les sommes qui leur sont attribuées. »
Pour la période 2014-2020, les projets de la région Grand-Est ont bénéficié de plus de 1,4 milliards d'euros de fonds européens. © Hugo Bossard
Autre volet de la réforme : rééquilibrer les fonds entre les pays de l’Est et de l’Ouest. « Jusqu’ici, la politique de cohésion bénéficiait surtout aux pays de l’Est », détaille Marc Joulaud. Or un rapport de la Commission de 2017 dénonçait le piège des régions de l’Ouest aux « revenus intermédiaires » : coincées entre des territoires innovants et productifs, elles manquent de dynamisme et de croissance. Les critères actuels de calcul de la Commission pour répartir les fonds ne leur sont pas favorables. « L’introduction de nouveaux critères [chômage des jeunes, niveau d’éducation, accueil des migrants, ndlr] va corriger cela, pour mieux refléter l’idée de cohésion », résume le polonais Kosma Zlotowski (ECR, conservateurs).
Constanze Krehl (S&D) et Andrey Novakov (PPE), co-rapporteurs, se sont félicités mercredi 13 février du vote en plénière des nouvelles mesures pour le développement des régions. © Mayeul Aldebert
Maintien des budgets
Dans un contexte budgétaire à la baisse dû au Brexit et à la volonté de la Commission d’investir dans de nouvelles priorités telles la gestion des frontières et la défense, les eurodéputés ont souhaité injecter 378,1 milliards d’euros dans l’économie régionale. Un budget en hausse de 14% par rapport à la proposition de la Commission pour la période budgétaire 2021-2027. « Cela représenterait un maintien des crédits au même niveau que pour le budget 2014-2020 », explique Younous Omarjee.
S’il venait à être définitivement adopté, la France sortirait gagnante de ce nouveau budget. Toutes ses régions - à l’exception de l’Ile-de-France et du Rhône-Alpes - se verraient allouer davantage de subventions en devenant des “régions en transition”. « Le financement de leurs projets pourront être pris en charge jusqu’à 65% par la Commission », précise Marc Joulaud.
Bras de fer interinstitutionnel
Grande inconnue du scrutin, les eurodéputés ont finalement rejeté la subordination du versement des fonds européens au respect des recommandations économiques de Bruxelles. La Commission souhaite depuis des années pouvoir suspendre les aides aux régions des Etats en déficit excessif. « Pénaliser les régions à cause des choix politiques nationaux n’avait aucun sens », signale l’allemande Constanze Krehl (S&D, sociaux-démocrates), rapporteure du texte.
Reste désormais à passer l’étape des Etats membres au sein du Conseil de l’Union européenne. Les négociations débutent le 19 février. Elles devront se terminer avant le 15 mars pour respecter le calendrier imposé par la Commission. L’équipe du Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker fait pression en coulisses pour boucler les grands programmes européens avant les élections de mai. Un défi illusoire en l’état actuel des choses, à en croire plusieurs sources parlementaires. « Il n’y a aucune chance que le sujet soit réglé avant les élections », prédit Constanze Krehl. Rien qu’en commission parlementaire, la rapporteure avait dû examiner plus de 2 500 amendements, preuve de la sensibilité du dossier. Et les Vingt-Sept n’arrivent pour l’instant pas à s’entendre sur le montant des contributions nationales pour le budget 2021-2027.
Melissa Antras et Nicolas Arzur