02 octobre 2019
Mathieu Cahn, vice-président de l’Eurométropole en charge du renouvellement urbain depuis 2008, et adjoint au maire en charge du quartier de la Meinau, revient sur plus d’une décennie de travaux à la Canardière.
"Il y a un gros travail humain" derrière la mise en place des programmes de renouvellement urbain, insiste Mathieu Cahn. /Photo Strasbourg.eu
Le premier Programme national de rénovation urbaine (PNRU), mis en place en 2006, a pris fin officiellement en 2015. Quel bilan en tirez-vous ?
Le bilan est extrêmement positif, les habitants eux-mêmes le disent. Les enquêtes d’image qui ont été menées montrent que pour deux tiers d’entre eux, la Meinau a évolué positivement. On a démoli près de 650 logements dans le secteur de la Canardière et on en a reconstruit autant, la moitié en social, l'autre moitié en logements privés. On est aussi intervenu sur les équipements, sur les espaces publics. La diversification des formes urbaines, qui était l’un des objectifs, est réussie.
Pourquoi un nouveau programme de rénovation était-il nécessaire ?
D’abord, le PNRU n’est pas achevé. Les travaux actuellement en cours à la Meinau se font dans le cadre de ce premier plan.
Ce que permet le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), c’est d’achever la rénovation de la Canardière. A la fin de ce second programme, prévue officiellement en 2024, on sera intervenu sur tous les équipements publics et sur tous les logements sociaux du quartier qui en avaient besoin.
Des concertations publiques ont été mises en place dès 2016. Celles-ci étaient prévues par le nouveau plan, mais pas par le premier. Les habitants ont-ils été écoutés ?
Je n'appartenais pas à la mandature d'avant 2008, je ne commenterai pas le travail de mes prédécesseurs. En revanche, en 2009, nous avons organisé le premier forum de rénovation urbaine de la Meinau, qui a profondément modifié la convention initiale.
Celle-ci prévoyait des interventions un peu partout dans le quartier, et la démolition de seulement deux tours. Mais en concertation avec les habitants, nous avons choisi de finir d’abord des parties de quartier entières, quitte à ne pas intervenir sur d’autres. Nous avons également décidé de faire tomber toutes les tours à la Meinau. Aujourd’hui il n'en reste plus que deux, au 25 rue Schulmeister ainsi qu'au 15 rue de Provence, qu'il est prévu de démolir dans le cadre du NPNRU.
Comme le nouveau plan s’inscrit dans la philosophie et les orientations urbaines définies en 2009, les concertations n’ont presque rien fait changer.
Quels sont les critères pour décider de démolir un bâtiment ?
Il y a trois raisons pour décider d’une démolition. La première est liée à des raisons urbaines : les bâtiments sont mal placés. C’était le cas de beaucoup de tours qui « fermaient » le quartier. Deuxième raison : les structures des bâtiments ne permettent pas de les réhabiliter ou de les faire évoluer de manière satisfaisante. C’est le cas dans la plupart des logements de la Meinau, comme souvent dans ces grands ensembles qui ont été construits vite. Troisième critère : les bâtiments sont marqués en terme d’image, les gens ne veulent plus y aller, ou ils fonctionnent mal. Quand ces trois conditions sont réunies, je n’ai aucun état d’âme, on démolit.
Beaucoup d'habitants souhaitent rester dans le quartier, mais les logements détruits seront reconstruits ailleurs pour favoriser la mixité. Comment gérer cette contradiction ?
A la Meinau, 70 à 75% des habitants veulent rester dans le quartier. Or, l'objectif affiché du NPNRU est clair : quand on démolit un quartier relégué, il ne faut pas recréer le même genre de lieu au même endroit.
On a donc créé des logements sociaux un peu partout. Leur nombre sur le territoire global de la métropole reste le même. On propose à des gens de rester à la Meinau, mais en-dehors de la Canardière . Sur l’avenue de Colmar par exemple, qui est fortement dotée en habitat social.
Les démolitions, c’est quelque chose d’assez violent, tant pour les habitants que pour ceux qui les décident. Une enquête sociale doit donc être menée en amont. Globalement, on regarde quelle est la demande, quelle est la situation des gens et ce qu’ils souhaitent, et on croise les deux. Il y a un gros travail humain derrière, mais à la Meinau on y arrive bien.
Propos recueillis par Aurélien Gerbeault et Marine Godelier