16 février 2017
Quinze mois après les accords de Paris, les députés européens ont adopté, mercredi 15 février, la réforme du marché européen du carbone. Moins ambitieuse que prévue, celle-ci devrait permettre à l'Europe de respecter ses engagements en terme de réduction des émissions de CO2.
L'Union européenne est aujourd'hui le troisième émetteur mondial de dioxyde de carbone (CO2) derrière la Chine et les Etats-Unis. Suite à la COP 21 de décembre 2015, elle s'est engagée à réduire de 40% ses émissions d'ici 2030. Mercredi 15 février, le Parlement européen a adopté une réforme du marché européen du carbone pour réaliser cet objectif ambitieux.
Le système européen de régulation des émissions en place depuis 2005 consiste à allouer à chaque industrie un quota de tonnes de CO2 qu'elle est autorisée à rejeter. Les industries qui dépassent ces quotas doivent acheter de nouveaux crédits. C'est la « règle du pollueur-payeur ». Ces crédits supplémentaires, sont alors accessibles sur un marché appelé l'ETS (Emissions Trading Scheme). Le prix du carbone y est fixé en fonction de l'offre et de la demande. Mais aujourd'hui, le prix de la tonne de carbone, situé sous les 5€ est jugé trop faible. L'objectif est donc de le faire remonter aux alentours des 30€, afin d'inciter les entreprises à consommer moins et à investir dans les technologies décarbonées.
Un volume de quotas gratuits trop important
La raison d'un prix si faible ? Le trop gros volume de quotas alloués gratuitement aux différentes industries. Le think tank écologique Sandbag l'estime à trois milliards d’euros. La réforme adoptée par le Parlement devrait permettre de diminuer ce surplus de CO2, grâce à la suppression des 800 millions d'euros de quotas de la « réserve de stabilité ». Ce système permettait jusqu'ici à l’Union européenne de réguler le prix de la tonne de CO2 en pesant directement sur les volumes de « droits à polluer » en vente sur l’ETS. Cette suppresion constituait la mesure phare de la réforme et a été largement approuvée par les eurodéputés.
Le montant total des quotas d’émissions alloués chaque année a quant à lui été beaucoup plus vivement débattu par les eurodéputés. Le rapport de l'eurodéputé écossais Ian Duncan (ECR, conservateurs) préconisait une réduction annuelle de 2,4%. Les eurodéputés se sont finalement prononcés pour une baisse annuelle des quotas de seulement 2,2 %, comme suggéré par la Commission européenne. Une décision vivement critiquée par les écologistes, tel l'eurodéputé néerlandais Bas Eickhout (Verts/ALE), partisan d'une réduction annuelle de 2,8 % selon lui plus « conforme aux accords de Paris ».
Une compétitivité en question
Autre point de tension, celui de la protection des industries européennes. Dans le viseur de la réforme, l'industrie du ciment, qui pèse à elle seule près de 8% des émissions de CO2 en Europe, et bénéficie de 5 milliards d'euros d'allocations gratuites. Les cimentiers ont, avec d'autres fédérations industrielles, pesé de tout leur poids pour ne pas perdre ce statut « d'industrie protégée ». Ils ont finalement obtenu gain de cause auprès des eurodéputés. Ils n'auront toujours pas à payer plus pour polluer. Victoire aussi pour le PPE (centre-droit) et l’ECR (conservateurs) qui contestaient cet aspect de la réforme. « Pointer du doigt un secteur en particulier aurait été regrettable, estime l’allemand Peter Liese (PPE, centre droit). Aujourd'hui, les cimentiers ne sont pas réellement protégés vis-à-vis de la concurrence extérieure. Comment les pousser à l'innovation plus propre quand on ne leur garantit pas une vraie sécurité ? ». Il fait ainsi référence à la concurrence chinoise, ou marocaine, plus attractive pour les producteurs européens et à la concurrence des pays aux normes environnementales moins contraignantes.
Peter Liese (PPE, centre-droit)
Plus d’investissements propre ?
Enfin, la réforme s’attache à inciter les entreprises consommatrices de carbone à se moderniser afin d'être plus respectueuses de l'environnement. Deux fonds seront crées et financés par les enchères du marché de l’ETS. Le premier permettra aux industries de se financer pour investir dans les énergies renouvelables. L’autre fonds servira à moderniser les industries des pays européens les moins riches. Une décision soutenue par les parlementaires écologistes, à l’image du Croate Davor Skrlec (Verts/ALE) qui rappelle qu’il est moins coûteux « d’innover en France ou en Allemagne qu'en Croatie, où les infrastructures pour une industrie plus verte n’existent pas encore».
Prochaine étape l'examen de la réforme par les ministres européens de l'écologie et de l'environnement, qui se réuniront le 28 février à Bruxelles.
Texte : Quentin Bérichel & Tanguy Lyonnet
Photos : Diane Sprimont & Tanguy Lyonnet