16 février 2017
L'Union européenne a investi 700 millions d'euros dans l'initiative Sparc pour promouvoir la robotique. Un domaine d'avenir qui d'après le Parlement européen doit être accompagné d'un cadre juridique. Le 15 février dernier, les eurodéputés ont débattu sur une éventuelle législation. Une première à l'échelle mondiale.
Roméo mesure 1m40. Il a deux bras, deux jambes et une tête ovale. Sa mission ? Assister les personnes âgées. Sa particularité ? C'est un robot. Un parmi tant d'autres qui s'invitera bientôt dans notre quotidien.
Un enjeu de taille dont le Parlement européen s'est saisi dès janvier 2015. Nouvelle étape abordée lors de la session plénière de février : proposer des pistes pour une législation européenne sur le droit des robots. Mady Delvaux, eurodéputée luxembourgeoise (S&D, sociaux-démocrates) est à l'initiative d'un rapport débattu le mercredi 15 février et adopté le lendemain. « Le Parlement est fier d'être le premier au monde qui se penche sur ces questions là », se félicite la rapporteuse.
Des questions qui touchent de nombreux domaines et qui ont donc mobilisé des experts en tout genre : de l'ingénieur au philosophe en passant par le juriste.
Une personnalité juridique controversée
Parmi les propositions du rapport, la mise en place d'un nouveau statut juridique pour donner aux robots une responsabilité civile en cas d’accidents. La « personne électronique » s'ajouterait aux deux autres personnalités existantes, la « physique » pour les individus et la « morale » pour les entreprises.
Une idée qui a suscité des protestations. « Les mots ont un sens, s'est insurgé l'eurodéputé José Bové (Verts/ALE), le statut de personnalité devrait être réservé aux humains et aux groupes d'humains. »
« Il y a une confusion entre le mot personne et humain, relève Alain Bensoussan, spécialiste en droit des nouvelles technologies. Un robot est un objet ''plus'' et un humain ''moins'', il est une personnalité juridique singulière. » Pour cet avocat, fondateur de l'Association du droit des robots, un statut juridique est indispensable pour protéger les consommateurs. « Il n'est pas normal qu'un robot puisse se balader dans la rue sans identification, sans assurance, sans responsabilité. »
Mady Delvaux tempère les inquiétudes : « Dans la génération à venir de robots, il n'est pas question de personnalité juridique. La responsabilité incombe à ceux qui les auront programmés. Mais le rapport se projette dans l'avenir. On peut imaginer, qu'un jour, la question de la responsabilité soit plus complexe à résoudre. La personnalité juridique est une option. »
Une cohabitation pérenne avec les robots
Rodolphe Gelin, directeur de la recherche chez Aldebaran robotics, leader mondial de la robotique humanoïde, est le concepteur de Roméo, le futur assistant robotisé des seniors. Les robots d'assistance médicale pourraient être l'un des premiers marchés où la question de la cohabitation entre hommes et machine se posera. D'après le rapport, d'ici 2020, un quart des Européens aura plus de 60 ans.
Les liens affectifs entre l'homme et le robot auraient également « d'éventuelles conséquences physiques ou émotionnelles graves ». Rodolphe Gelin relativise : « Les gens s'attachent à n'importe quoi, à leur téléphone, leur voiture… Le robot est un objet comme un autre. »
Quid de l'éthique ?
Le rapport se veut rationnel. Il propose une charte déontologique autant pour le concepteur que pour le consommateur. En ce sens, Mady Delvaux veut que les robots restent « compréhensibles pour le commun des mortels » et qu'ils soient conçus en respect de la dignité humaine. Par exemple, les robots médicaux ne doivent pas divulguer les informations qu'ils collectent, à l'instar du médecin soumis au secret médical. De l'autre côté, le consommateur ne doit pas utiliser le robot pour enfreindre les principes et normes éthiques et juridiques ou les utiliser comme des armes.
« Depuis que l'homme existe, il a inventé des techniques qui lui rendent la vie plus facile, qui l'aident à faire des tâches de plus en plus compliquées. On est dans la prolongation, mais le principe reste le même : cela ne doit pas nuire à l'homme », résume la rapporteuse.
Mady Delvaux, l'eurodéputée à l'origine du rapport
Toutefois, elle est consciente que son rapport soulève de nombreuses questions qui restent encore en suspens. « L'idée était de lancer le débat pour que le grand public s'intéresse à la question. »
Texte et photo : Thomas Rolnik et Florie Cotenceau
Crédits photos robots : © SoftBank Robotics