Kehl compte 530 machines à sous. Trop, pour les habitants et commerçants de la petite ville allemande. Une pétition est en cours.
Le paradis des machines à sous se trouve à quelques kilomètres seulement de Strasbourg. La petite ville allemande Kehl compte actuellement 530 automates, et la tendance va croissante. Une pétition vient d'être lancée par le groupe de travail des Chrétiens et Musulmans de Kehl (Arbeitskreis Christen und Muslime).
Les habitants et commerçants de Kehl ne veulent pas d'un « petit Las Vegas » dans leur commune. Une pétition contre l'ouverture de nouvelles salles de jeux et pour une réglementation plus stricte de celles déjà en place circule dans la majorité des commerces de la ville. Le nombre de salles de jeux et d'automates dans des bistros-casinos ne cesse d'augmenter depuis quelques années.
« La ville n'a pas d'autre choix que d'accepter les nouvelles demandes d'ouverture de salles de jeux » explique Annette Lipowsky, l'attachée de presse de la ville. La liberté de choix de profession est ancrée dans la Constitution allemande et l'ouverture d'une salle de jeu n'est pas illégale.
En outre, il existe en Allemagne une taxe pour les casinos, comparable à l'impôt sur les spectacles en France. Cette taxe ne cesse d'être augmentée par la ville, mais les automates continuent de pousser comme des champignons. Les seules contraintes pour les gestionnaires de salles de jeux : respecter une heure de repos, entre 5h et 6h du matin, et disposer d'un comptoir et d'installations sanitaires.
Au Casino Diamond, situé dans la gare, les joueurs attendent qu'un bandit manchot se libère. A croire que 530 automates ne suffisent pas un samedi matin à 11h. Des hommes et femmes de tout âge, « des cas sociaux, des fous, qui n'ont pas les moyens de se payer Baden-Baden » selon Nejazi Sadiki, un client.
Nejazi Sadiki devant le Casino Diamond à Kehl. (Photo : Dorothée Haffner/Cuej)
Ce retraité français de 61 ans est domicilié à Strasbourg, mais passe le plus clair de son temps à Kehl. Ce matin, comme tous les jours depuis des années, il est aux manettes d'un automate du Casino Diamond . « Je dépense tout ce que je touche, donc ma retraite, dans les salles de jeux de Kehl. J'aimerais dépenser mon argent en France, mais ce n'est pas possible là-bas. »
En effet, la réglementation française est bien plus stricte. Les jeux de hasard sont interdits sur le territoire français, à l'exception de quelques casinos, tolérés par le ministère de l'Intérieur.
Nejazi Sadiki avoue avoir une addiction au jeu, il dépense en moyenne 600 euros par mois dans les salles de jeux de Kehl. Il lui arrive de gagner, mais « au final, on est tous des perdants », dit-il en regardant autour de lui. « Il faudrait interdire les jeux d'argent. C'est très dangereux, surtout pour les jeunes. » Il espère que la pétition fera son effet.
Les Alsaciens sont nombreux à traverser la frontière pour jouer. Un phénomène que les commerçants de la zone piétonne Hauptstrasse voient d'un mauvais œil.
Inge Hansert travaille dans un magasin de mode féminine, à quelques mètres de la gare. (Photo : Dorothée Haffner/Cuej)
« Cela fait environ huit ans que l'on voit apparaître un certain type de personnes à Kehl. Allemands ou Français, ils passent leur vie dans les salles de jeux et sont parfois agressifs en sortant. A cause d'eux, il y a moins de places de parking pour nos clients potentiels. Et puis, ils changent l'image de la ville. Ça rend Kehl moins attractif pour les familles. »
La récolte de signatures contre l'expansion du phénomène « petit Las Vegas » à Kehl se poursuit jusqu' à fin février. La pétition vient soutenir les efforts du conseil municipal de Kehl, qui a signé une résolution mi-décembre. La résolution demande au gouvernement fédéral allemand de réduire le nombre autorisé d'automates dans les bistros, pour réduire le phénomène de bistro-casinos.
Le conseil municipal demande également au Land du Bade-Wurttemberg de rallonger les heures de fermeture obligatoire des salles de jeux et cafés-restaurants.
Dorothée Haffner