Obligatoire depuis le mois d'août, le passe sanitaire ne va pas sans poser problème : plusieurs personnes trans ont notamment vu éditer leur attestation au nom de leur « deadname », leur prénom de naissance. Avec pour conséquence, au-delà du risque encouru, le sentiment de ne toujours pas être considérées.
À Mulhouse, Maya craint que le passe sanitaire anéantisse l'ensemble des démarches qu'elle a entreprises pour sa transition. Crédits réservés
Pendant tout l’été, leurs messages ont défilé sur les réseaux sans qu’aucune décision politique n’en tarisse le flux : sur Twitter, Facebook et autres applications, de nombreuses associations LGBTQI se sont mobilisées pour apporter leur soutien aux personnes trans. Plusieurs d’entre elles ont en effet reçu leur passe sanitaire au nom de leur « deadname », leur prénom de naissance, alors même qu’elles avaient entrepris les démarches administratives pour en changer.
C’est le cas de Maya : à Mulhouse, cette étudiante en science politique a obtenu la décision officielle de la mairie, en faveur de son changement de prénom, après avoir été vaccinée pour la première dose, mais avant d’avoir reçu la deuxième. À la joie de voir aboutir sa démarche, succède rapidement la déception, lorsqu’elle reçoit son passe sanitaire au nom de son ancien prénom : « En fait, sur le coup, ça ne m'a pas embêtée plus que ça parce qu'on m'a dit que je pourrais le modifier… Mais en réalité, pas du tout, ou, en tout cas, c’est très compliqué ! Du coup, le prénom sur ma carte d’identité ne correspond pas à celui sur mon passe sanitaire… Embêtant. »
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Un coming-out contraint… et permanent
Et potentiellement dangereux. Dans un contexte d’augmentation significative des actes transphobes, de nombreuses associations, comme Acceptess-T, ont souligné le risque encouru par les personnes trans à cause de cette incohérence administrative.
« C’est fatigant : en France, la procédure est déjà très longue pour obtenir son changement officiel d’identité et de sexe. Et puis, tous les jours, je fais des efforts monstrueux pour être perçue de la façon dont je le souhaite… Ces efforts sont complètement détruits par des outils administratifs comme le passe sanitaire », déplore Maya. Dans les bars ou au restau, certaines personnes se voient ainsi forcées de révéler leur transidentité. « Elles sont tout simplement un angle mort de l’administration », résume Lou, étudiante à Science Po Strasbourg. « Le cas du passe sanitaire montre bien à la fois la lenteur des institutions, leur impréparation, et le fait que quand de tels outils sont créés, la question de la transidentité n’est toujours pas prise en compte. »
Un système administratif inadapté
La Strasbourgeoise de 22 ans, qui a réussi à modifier son passe sanitaire après la décision officielle lui accordant son nouveau prénom, a accompagné plusieurs personnes trans dans leurs démarches : « J’ai eu la chance de travailler pendant l’été dans un centre de vaccination, du côté administratif. J’ai rencontré des personnes qui, comme moi, avaient un nouveau profil Ameli (compte individuel sur le site de la Sécurité sociale, NDLR), mais où leur cycle de vaccination n’apparaissait pas. D’autres avaient obtenu leur changement de prénom entre les deux doses et ne parvenaient pas à éditer un nouveau passe sanitaire… »
Mais de nombreuses personnes n’ont pu trouver l’aide nécessaire pour procéder à un changement de leurs informations identifiantes. Pour elles, le site internet Wiki Trans, un portail d’information à destination des personnes transgenres et de leurs proches, a développé une image à présenter avec son passe sanitaire pour expliquer pourquoi leurs papiers ne sont pas à jour.
Un remède provisoire, aux allures de pis-aller. Loin, en tout cas, de dessiner les contours d’une réelle solution : « On se retrouve à déballer sa vie privée pour simplement boire un verre en terrasse ! », dénonce Lou. Pour elle, plus qu’un oubli de la part de l’État, le passe sanitaire témoigne de l’indifférence des acteurs publics pour les personnes transgenres. Elle l’assure : la clef du problème n’est pas à chercher très loin.
« On pourrait suivre les avis du défenseur des droits, qui plaide pour des procédures de changements de prénom ou de sexe à l'état civil accessibles et rapides. » Et donc, des administrations plus flexibles : « Pour elles, ce n'est pas grand-chose, mais pour les personnes trans, il s’agirait d’un énorme pas en avant », conclut l’étudiante.
Laura Ayad