Les travaux du premier bike park en intérieur d’Europe ont commencé début février à Strasbourg. Trois Alsaciens sont à l’origine du projet, qui invite amateurs et non-pratiquants à s’adonner à toutes les disciplines du VTT et du BMX.
Le bâtiment, tout en longueur, est dissimulé derrière la gare de Strasbourg-Cronenbourg. La peinture des murs est écaillée, le parking envahi de mauvaises herbes. A l’intérieur, le bruit des travaux débutés en février, de la scie sauteuse aux coups de marteaux, emplit le hangar.
Coiffés de bonnets noirs, Gilles Andres et Laurent Wintermantel ont revêtu une combinaison de travail. Ils ont eu cette idée insolite : construire un bike park en intérieur ("indoor") pour pratiquer le VTT et le BMX. Une infrastructure répandue aux Etats-Unis, mais pas en Europe, où tous les bike park sont en extérieur.
Laurent Wintermantel (à gauche) et Gilles Andres sont deux des trois porteurs du projet. Photo : Elodie Troadec
"Un concentré de technicité"
L’histoire commence en novembre 2013. Les deux compères et une autre amie, Géraldine Strub, se trouvent à un tournant dans leur vie professionnelle. Gilles Andres vient d’être licencié économique ; Laurent Wintermantel, professeur d’éducation physique et sportive, cherche depuis quelques temps une nouvelle activité dans laquelle s’investir sans oser se lancer seul ; Géraldine Strub a l’habitude de mener des projets, particulièrement dans l’industrie et l’immobilier. Après un intense brainstorming, l’idée d’un bike park émerge. "Sûrement parce que le sport est dans notre ADN", dit-il en souriant.
Le choix d’une structure indoor s’impose rapidement. Tout d’abord à cause des conditions climatiques en Alsace. "En hiver, quand il fait nuit à 16h30 et qu’on sort du travail à 18h, on ne va pas aller rouler dans les Vosges, souligne Gilles Andres, ce qu’on propose, c’est de pouvoir s’entraîner à n’importe quel moment de la journée, dans un site éclairé." Laurent Wintermantel considère que ce type d’infrastructure est idéal pour progresser : "Le bike park est un concentré de technicité. Quand on roule dans les Vosges, beaucoup de chemins sont très roulants et on a juste à pédaler. Ici, on va pouvoir apprendre les gestes spécifiques en enchaînant les obstacles."
Sur les 12 000 m2 dont ils disposent, ils projettent d’installer plusieurs zones d’activité, adaptées en fonction des niveaux pour accueillir un public le plus large possible. Un skate-park occupera 2 000m2. Une zone de draisienne, ces vélos sans pédale que les enfants font avancer en poussant sur le sol avec leurs pieds, sera réservée aux petits à partir de deux ans et demi. Un bac à mousse permettra aux pilotes de tester des figures sans risquer de se blesser en retombant. Un circuit de cross-country, qui mesurera entre 800 mètres et un kilomètre, fera le tour du bâtiment. La pumptrack, le parcours constitué de bosses et de virages qui s’effectue sans que le pilote n’ait à pédaler, sera longue de 2 300 m2. Ce qui en fait la pumptrack en enrobé indoor la plus grande du monde.
Les travaux ont commencé début février. Photo Elodie Troadec
Un projet « chimérique »
En Alsace, il y avait 400 licenciés en VTT en 2015, mais beaucoup des amateurs ne s’inscrivent pas auprès de la Fédération française de cyclisme (FFC). Le projet de bike park cible ces pratiquants, mais aussi les scolaires, les familles et ceux qui n’ont jamais fait de VTT. S’installer à Strasbourg semble être une évidence pour les trois Alsaciens : "Il y a une vraie dynamique du vélo à Strasbourg. Et si on veut vraiment que notre affaire tourne, il faut qu’on soit proche d’un grand centre urbain, pour limiter les temps de déplacements", explique Gilles Andres. Ce qui les a amené à louer une ancienne gare aux marchandises située à Cronenbourg, qui leur avait été recommandée par l’Eurométropole.
Le projet est budgété sur 1,3 million d’euros. Une opération de crowdfunding sera lancée dans les mois à venir pour compléter l’apport des associés, les subventions touchées par la région Alsace et le prêt bancaire contracté.
La première fois que Ludovic Lechner, le président du Xtreme bike club de Schiltigheim, a eu vent du projet, il l’a jugé "chimérique". Comme beaucoup des pratiquants alsaciens, les adhérents de son club préfèrent rouler en extérieur, dans les Vosges. Mais aujourd’hui, il est enthousiaste à l’idée d’utiliser l’infrastructure pendant la période hivernale : "Quand il a plu pendant trois jours, que le sol est boueux, faire du VTT en extérieur est dangereux et fatigant. Le bike park indoor pourra être un plan de repli." Aujourd’hui, Ludovic Lechner envisage d’organiser quelques journées par an au bike park pour diversifier l’activité de son club. Ce qu’il devrait pouvoir faire dès l’été prochain, date à laquelle les trois porteurs du projet souhaitent que le bike park ouvrent ses portes au public.
Elodie Troadec