Ce mercredi 16 septembre, le Tribunal de Strasbourg a reporté une affaire de violences envers des prostituées. Le prévenu a été renvoyé en détention provisoire pour assurer la sécurité de ces femmes.
Les faits de violences envers des prostituées ont eu lieu entre le 25 août et le 13 septembre. © Emma Chevaillier
Ses cheveux sont noirs comme la nuit, ses ongles roses pétant. Jeanne*, une prostituée française, visiblement remontée, transpire d’angoisse. Celui qu’elle accuse de l’avoir agressée est présent à l’audience. Pour faire baisser son stress, elle gobe un médicament qu’elle fait glisser grâce à du Cola. "C’était prévu, on va demander un renvoi", lui explique son avocat. Ahmed* a comparu mercredi 16 septembre pour violences et menaces de mort à l’encontre de plusieurs prostituées.
"Allah va vous punir !"
Les faits se sont produits à plusieurs reprises rue de Doubs à Strasbourg, entre le 25 août et le 13 septembre. Le 13, il est arrêté par la police municipale pour violences à l’aide d’un manche à balai en aluminium. "Allah va vous punir !", "Si tu restes là, je te tape 100 fois", aurait-il proféré à l’encontre des prostitués. Ahmed, lui, reconnaît uniquement les violences produites à l’aide du manche à balai. Pas les menaces.
Le renvoi du procès décidé, l’enjeu de l’audience concerne le devenir très proche de cet homme. Va-t-il ressortir libre ? "Cet homme s’est livré à une traque de mes clientes. Il y a une vraie peur désormais parmi elles. Ce serait impensable qu’il se retrouve dans cette rue quotidiennement", maintient leur avocat. Une des prostituées tient son amie par les épaules, elles se rassurent.
"Nous avons peur", déclarent les femmes présentes dans la salle. "Les faits se sont produits sur plusieurs semaines. Pourquoi ? La raison m’intéresse subsidiairement. Ces femmes l’ont dit elles-mêmes, elles ont peur et elles ont raison. Elles doivent avoir la possibilité de vivre en toute sécurité", assure l’un des avocats des victimes.
Des prostituées menacées
"Je regrette ce que j’ai fait. Ce n’était pas voulu. J’ai mis des coups sur les fesses mais pas sur la tête. Ça ne se reproduira plus". Ahmed fixe en permanence ses victimes. Il peine à les convaincre. Jeanne, cinq autres femmes et un homme, majoritairement bulgares, assistent, grâce à une interprète, à l’explication des faits. Tenue militaire moulante ou extensions blondes, elles ont la quarantaine, sont énervées et le font entendre. À chaque mot de l’avocate d’Ahmed, les voix s’élèvent et ça bavarde comme en classe.
"Encore une qui parle et elle sort ! Ce n’est pas un poulailler ici !", s’exclame le juge. "Ce n’est pas l’époque pour dire ça", reprend immédiatement la procureure. Les prostituées ont compris la leçon et continuent de suivre attentivement l’audience.
"Il doit être en liberté pour mieux préparer le dossier. Mon client n’a pas d’antécédents de violence et dehors il aura toute la possibilité de se rendre dans des agences d’intérim", défend maître Clémence Réthoré. "C’est une vraie pute celle-là ! marmonne Jeanne. Nous au moins lorsqu’un client est odieux, on le refuse". Le procès d'Ahmed sera reporté à début octobre. Lui, mercredi soir, a dormi en prison.
* Le prénom a été modifié
Emma Chevaillier