Alors que Nice s’apprête à placer des policiers non-armés au quotidien dans trois écoles tests, la capitale du Grand-Est renforce les dispositifs de sécurité d’entrée. Lundi 22 janvier, le conseil municipal de Strasbourg a décidé de poser des « alarmes attentats » dans 102 établissements scolaires d’ici 2019. Les dispositifs rassurent autant qu’ils inquiètent dans un contexte post-attentats.
À l’école maternelle Oberlin de Strasbourg, Thibault arrive pendant le temps de la garderie, pour chercher son petit garçon. Afin de s’introduire dans la cour de l’établissement, il n’a qu’à tirer le loquet en métal. Derrière d'épais barreaux de fer, les enfants jouent sous l’oeil bienveillant des animateurs du périscolaire. S’il était venu à 15h35, heure à laquelle la cloche sonne, il aurait fait face au visiophone : la directrice aurait pu vérifier son identité depuis son bureau avant de lui ouvrir. Un dispositif qui semble suffisant pour le jeune papa : « la plupart des parents pensent à fermer le loquet ». L’an prochain, l’école sera équipée d’un boîtier noir permettant de déclencher « l’alarme attentat ».
À 792 kilomètres de là, à Nice, dès les vacances de février, un policier non armé s’installera entre les murs de trois écoles tests et volontaires. « Il aura son bureau et fera parti du quotidien des élèves », nous a indiqué la Ville. Une expérimentation décidée le 27 janvier et approuvée par Jean-Michel Blanquer le ministre de l’éducation, déjà critiquée par policiers, parents et enseignants. Depuis l’attentat du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais, des patrouilles armées se font aux abords des écoles.
#Antiterrorisme : des #policiers non armés dans certaines écoles de #Nice. Utilité face aux terroristes ? Aucune. Prise de risque des fonctionnaires en cas d'attaque ? Maximale. Habituation des gamins au tout-sécuritaire ? Optimale.@cestrosi en roue libre, @jmblanquer approuve. pic.twitter.com/hSjAYKx1XO
— Un Monde Riant (@UnMondeRiant) January 28, 2018
Pour Thibault, le papa strasbourgeois, le dispositif de la cité azuréenne est excessif : « Cela ne sert pas à grand chose … Moi ca ne me rassure pas non plus de voir des policiers devant l’école de mon fils. »
Strasbourg : alarmes attentats, visiophones et hautes clôtures
L’école Oberlin est équipée en visiophone depuis sa rénovation en 2014, explique Maïté Nieto, directrice : « pour les parents c’est rassurant, pour nous, c’est assez difficile niveau organisation ». L’année prochaine, l’établissement fera parti des 102 écoles équipées d’une « alarme attentat » par la municipalité. Trois millions d’euros serviront à équiper les établissements restants en visiophones et clôtures hautes également, comme l’a décidé le conseil municipal de Strasbourg le 22 janvier dernier.
@strasbourg a investi 3 millions d'euros pour renforcer la sécurité dans les écoles.
Alarme attentat, mesures de confinement et visiophones à l'entrée, le dispositif sera généralisé dans les écoles strasbourgeoises d'ici la rentrée 2019 ! pic.twitter.com/l0iDyS13y5— Alsace 20 (@alsace20) January 29, 2018
« Une alarme attentat ? Ce serait bien, ne serait ce que pour les entraînements ! On a un signal pour les séismes, incendies ou orages, mais rien en cas d’introduction d’un terroriste », réagit Maïté Nieto. Un boîtier noir fixé au mur, un simple bouton sur lequel appuyer pour alerter un centre de vidéosurveillance et la police. L’alarme déclencherait instantanément le Plan particulier de Mise en Sécurité (PPMS), qui se déroule « sous forme de jeu en maternelle » : les enfants sont placés sous les tables dans le calme, selon la jeune-femme.
Virginie Meyer, directrice du groupe scolaire Marcelle Cahn, l’un des établissements test strasbourgeois, dresse un bilan positif au micro de France Bleu Alsace : « ce dispositif nous rassure. Les parents sont également très demandeurs.»
Vers une « bunkerisation des écoles »
Quant aux policiers … Maïté Nieto ne souhaite pas que Strasbourg aille aussi loin que Nice : « on n’a pas besoin de la présence de policiers, surtout pas dans la cour. À l’école, les enfants ont besoin de se sentir en sécurité, le danger est dehors. » Pour des raisons financières, il n’est pas possible d’affecter un policier à chaque école, selon Xavier Schneider, président de la FCPE 67 (Fédération des Conseils de Parents d’Elèves), qui en a discuté avec des adjoints au maire : « 102 écoles, 102 policiers ! Vous imaginez le coût ? ».
« On vit avec le risque et on s’y adapte », ajoute-t-il, jugeant dommage de couper l’école de la ville malgré tout : « on va vers la bunkerisation des écoles ». Autre problématique soulevée par le président, l’aspect restreint du dispositif qui ne touche que Strasbourg : « On a l’impression d’être tranquille mais bon … En dehors de la ville, certaines écoles sont protégées par de petites clôtures seulement. Nous c’est tout le Bas-Rhin qui nous intéresse, pas de donner bonne conscience à la ville. »
Un policier municipal et des barricades devant écoles serait aberrent pour Xavier Schneider. «C’est tout un débat de société. S’il y avait eu un attentat à Strasbourg, l’émotion et la nécessité de se protéger seraient aussi fortes qu’à Nice», décrit-il. Devant les écoles strasbourgeoises, la crainte des parents ne semble pas vive au point de souhaiter des récréations surveillées par des policiers.
Sophie Allemand