En Alsace, la remise mise en place par le gouvernement français à hauteur de 30 centimes par litre d’essence attire les Allemands en quête d’économies. Les stations-services sont prises d’assaut, comme ce mercredi à Strasbourg.
Ce mercredi matin, le litre d’essence sans plomb est vendu à 1,44 euros, le gazole à 1,78 à la station Total du Neudorf. Photo Cuej.Info / Lucia Bramert
Après presque 30 minutes d’attente, Altana Mage se trouve enfin devant une pompe à essence. Dans cette station-service à l’est de Strasbourg, proche de la frontière allemande, les voitures ne cessent de défiler. Cette mère célibataire est allemande. Elle habite à Rheinau, une petite ville située à environ 17 kilomètres de Strasbourg. Elle se rend en France régulièrement pour faire le plein d’essence - depuis que les prix y ont été réduits. Ce mercredi matin, le litre d’essence sans plomb est vendu à 1,44 euros, le gazole à 1,78.
Depuis le 1er septembre, l’Etat français a renforcé la remise à la pompe, la faisant passer de 18 à 30 centimes par litre. Le même jour, en Allemagne, les remises gouvernementales se sont arrêtées. La différence des prix entre les deux pays est frappante. «J’économise plus de 20 euros à chaque plein», souligne Norbert Weiss, un autre automobiliste allemand. À Willstaett, son village, le litre lui aurait coûté 2,05 euros - une différence de près de 60 centimes par litre. Avant de franchir la frontière, le technicien de 63 ans n’hésite pas à comparer les prix en ligne. Cela fait presque cinq ans qu’il n'est pas venu en France pour faire le plein, habituellement toujours moins cher en Allemagne. Depuis début septembre pourtant, il revient régulièrement.
«En France au moins, l'État s’engage vraiment face à l’inflation»
Une demande en hausse, renforcée par une ristourne supplémentaire dans la station frontalière, a vite conduit à une rupture de stock dès samedi. Les cuves d’essence étant de nouveau remplies ce mercredi, Altana Mage et Norbert Weiss ne sont pas les seuls Allemands qui ont fait le trajet en France ce matin. Deux tiers des voitures dans la file d’attente ont des plaques allemandes. Quelques-unes sont aussi immatriculées en Belgique. Étudiants, retraités, ingénieurs ou vendeurs, tous se pressent pour économiser quelques dizaines d’euros. Altana Mage ouvre le bouchon du réservoir, prend le pistolet et appuie sur la gâchette. Silence, rien ne se passe. «Ça ne marche pas. Il n’y a plus d’essence?», demande-t-elle en plissant le front. «Ce n’est pas possible.» Un automobiliste allemand, vient voir ce qu’il se passe. Il craint, lui aussi, de retourner en Allemagne sans essence. Après cinq minutes, le soulagement est palpable : il fallait attendre que la distribution soit autorisée par la caissière.
«Franchement, c’est dur», confie l’apprentie et mère de 25 ans, tuyau à la main. L’Allemagne souffre d’une inflation de huit pour cent. «Si je n’avais pas mes parents qui m’aident, je ne saurais pas comment payer mes factures», insiste la jeune femme. Norbert Weiss explique, lui, qu'il a coupé son chauffage au gaz et utilisera son poêle à bois, quand ce sera nécessaire. «Il faut s’adapter, sinon on est dans le pétrin.» Même écho chez un autre automobiliste, qui se plaint vivement du gouvernement allemand. «En France au moins, l'État s’engage vraiment face à l’inflation», abonde-t-il. Altana Mage a enfin rempli le réservoir de sa voiture. «Quel stress», lâche-t-elle, en se dépêchant de retourner dans son véhicule. Derrière elle, vingt voitures attendent encore leur tour.
Lucia Bramert
Édité par Audrey Senecal