Le festival de musique contemporaine de Strasbourg existe depuis 1983. Le compositeur grec, Georges Aperghis, était alors déjà de la partie. Ce jeudi soir, il ouvre la nouvelle édition avec Migrants.
Le compositeur Georges Aperghis et Stéphane Roth, directeur du festival Musica, réfléchissent déjà aux 40 ans du festival l'année prochaine. Cuej.Info / Nils Hollenstein
« Tu ferais quoi pour les 40 ans de Musica ? », demande sans détour son directeur, Stéphane Roth, à Georges Aperghis, compositeur grec qui a pris place dans un cercle de discussion informel au Palais des Fêtes en ce jeudi après-midi. « Il faut déjà acheter des bougies! », lâche, hilare, la star de la journée. « Enfin, plus sérieusement, peut-être des représentations dans la rue, pour qu’on sorte un peu des salles ? ». Il faut dire que le festival au répertoire contemporain n’hésite pas à innover dans les formats proposés au public strasbourgeois depuis quasiment quatre décennies.
Le public, (souvent) acteur du festival
« Musica a déjà proposé des concerts programmés par le public », explique Stéphane Roth. Les 40 ans ne feront bien sûr pas exception à la règle puisque c’est tout un processus de co-construction avec le groupe réuni cet après-midi qui s’est engagé pour un des projets de l’édition 2023. « Des habitués du festival, déjà présents lors de la première édition, vont pouvoir devenir directeurs et directrices artistiques », s'enthousiasme Stéphane Roth.
C’est de cette rencontre entre des fidèles du festival, dont Georges Aperghis fait partie puisqu’il n’a manqué qu’une édition de Musica depuis sa création, que le directeur espère pouvoir faire émerger un projet qui ne se limitera pas forcément à la musique : « Dans ce collectif, on a des sensibilités diverses, Louis par exemple est architecte, Véronique plasticienne, ça permet d’expérimenter des choses », dit-il en désignant deux membres du collectif.
Le compositeur l'assure : « Ce qui manque aujourd’hui dans les programmations, c’est l’audace. » Stéphane Roth acquiesce et abonde : « Pour les 40 ans, on pourrait passer commande à un jeune compositeur, ça changerait ».
Migrants, théâtre musical
Mais trêve de discussions pour le moment, la répétition générale de Migrants avant le concert d’ouverture de ce soir au Palais des fêtes doit commencer et Georges Aperghis est attendu pour jeter un dernier coup d’oreille à la pièce jouée par l’Ensemble Resonanz. L’orchestre de cordes, accompagné de quelques percussions et pianos joue une pièce en cinq mouvements, composée entre 2016 et 2022 – deux mouvements ayant été rajoutés sur le tard. Pour Georges Aperghis, l’émotion transmise au public est déterminante et le chef d’orchestre Emilio Pomárico, attentif à chaque petit détail, consulte souvent le compositeur : « Ça le fait comme ça, le pizzicato ? ».
L’orchestre alterne entre des moments plus doux, puis des emballements soudains, le tout entrecoupé d’extraits d’un roman de Joseph Conrad, Au cœur des ténèbres, qui, 123 ans après sa publication, fait étonnamment écho à la crise migratoire actuelle. Sensation d’oppression, d'être brassé par une tempête de notes. C’est en tout cas une traversée (sur)prenante et audacieuse pour un festival qui veut l’être tout autant.
Nils Hollenstein
Édité par Tara Abeelack