L’université de Strasbourg a annoncé, le 29 janvier, son refus d’augmenter les frais d’inscription pour les étudiants non-européens, comme le préconise la réforme du Premier ministre Édouard Philippe.
Ces étudiants chinois sont venus en France pour les frais de scolarité peu élevés / Louise Claereboudt
Junsong, Luyue, Chang et Alice ont quitté la ville de Chengdu (Chine) il y a cinq ans pour étudier le commerce électronique dans la capitale alsacienne. Si, en Chine, leurs études leur coûteraient sensiblement le même prix, ces quatre amis ont choisi de s’expatrier pour apprendre le français et bénéficier d’un enseignement de qualité sans avoir à dépenser une fortune. «Sans mentir, on a d’abord choisi la France parce que ce n’était pas cher», avoue Jungsong, sous les rires de ses amies.
Même s’ils y échappent, ces étudiants en dernière année de master redoutent la réforme annoncée par le gouvernement le 19 novembre 2018. Pour près de 100 000 étudiants extra-communautaires qui s’inscriront pour la première fois à la rentrée prochaine à l’université en France, les tarifs seront multipliés par 16. Une année de licence coûtera 2 770 euros au lieu de 170. Et il faudra débourser 3 770 euros pour une année de master au lieu de 243.
Cette annonce a immédiatement suscité la polémique à Strasbourg, où quelque 6 000 étrangers non-européens étudient sur le campus. De nombreux étudiants trouvent, en effet, cette mesure discriminatoire. Ils estiment qu’elle empêcherait les élèves aux revenus modestes de rejoindre des formations de qualité. Kias, 26 ans, et Aissa, 24 ans, ont intégré en septembre un master de géologie et dynamique de la terre. Il y a peu, ces étudiants algériens ont signé une pétition contre la hausse des frais d’inscription. «J’ai des amis en Algérie qui souhaitaient venir étudier en France mais qui ne pourront pas par manque de moyens», regrette Aissa.
Maintenir l’attractivité
Comme une quinzaine d’autres établissements, l’Unistra a donc refusé d’imposer cette hausse. Pour le vice-président formation de l'Unistra, Benoît Tock, l'opposition à cette réforme repose essentiellement sur «un refus d'introduire des inégalités entre les étudiants français, européens et extra-européens».
À la différence du gouvernement qui espère que cette hausse des tarifs permettra de concurrencer d’autres pays, les présidents des universités craignent une perte d’attractivité. «Le gouvernement espère attirer plus d'étrangers, et de bons candidats, mais à court terme, le nombre de candidats va chuter. Déjà à Strasbourg, on observe une forte baisse des demandes d'inscription d'étudiants non-européens qui renoncent à venir», déplore Benoît Tock.
«En plus de rendre les études en France moins attractives, l’étude de la langue française sera moins attrayante. C’est une perte pour la francophonie sur la scène internationale», estime Joaquin, étudiant chilien en licence de sociologie.
Depuis un décret de 2013, les établissements publics peuvent exonérer les frais d’inscriptions d’étudiants, dans la limite de 10% des inscrits. «Ce seuil est malheureusement déjà bientôt atteint, constate Benoît Tock. Mais nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour maintenir les tarifs actuels pour les étudiants extra-européens».
Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, a toutefois interpellé les présidents d'universités sur leur «devoir d’obéissance et de loyauté». Par ailleurs, elle a nommé un collège de cinq personnalités dans le but d'organiser une concertation pour engager la discussion avec les établissements.
Louise Claereboudt