Un quart des morts sur les routes du Bas-Rhin depuis 2016 a plus de 65 ans. Les seniors sont surreprésentés parmi les accidentés mortels du département. Cette statistique inquiète les autorités et les professionnels de la conduite.
Frédéric Bisson/CC
La préfecture tire la sonnette d’alarme : en janvier 2019, cinq seniors ont trouvé la mort en voiture dans le Bas-Rhin. Pour Antoine Klis, coordinateur sécurité routière de la préfecture, « ce chiffre ne révèle pas une augmentation de la mortalité de nos aînés, mais justifie tout de même que l’on continue à communiquer sur le problème. »
Un chiffre « pas surprenant », pour Valérie Dry-Ramirez, coordinatrice pédagogique de l’École de Conduite Française Llerena à Strasbourg. La population française est déjà vieillissante (2,8 de millions de Français avaient plus de 80 ans en 2005. Ils étaient 5,8 millions en 2015). Et les seniors « sont de plus en mobiles », analyse Valérie Dry-Ramirez.
Pour Antoine Klis, « ces usagers sont avant tout des dangers pour eux-mêmes. »
Une population vulnérable
Sur les cinq dernières années, 20% des accidentés corporels sur la route étaient des usagers de plus de 65 ans. « En général ils ne sont pas plus responsables que d’autres, ils sont seulement plus vulnérables », analyse Antoine Klis. Les personnes âgées succombent plus souvent que leurs cadets aux accidents de la route. Elles prennent par exemple plus de médicaments que les autres tranches d’âge, sans toujours prendre en compte les dangers et les effets secondaires qu’ils impliquent.
D’autant qu’avec l’âge, la vue baisse, l’agilité aussi. Et par conséquent le temps de réaction sur la route.
« Et puis, note Valérie Dry-Ramirez, avoir obtenu son permis de conduire il y a cinquante ans n’est pas la même chose que d’obtenir l’examen dans les années 2010. » Pour elle, les seniors sont désorientés : il y a tout simplement beaucoup plus de trafic sur les routes aujourd’hui qu’il y a un demi-siècle. « En général les problèmes surviennent quand les personnes quittent la vie active, car elles commencent alors à moins conduire. »
La pédagogie pour rassurer
Que faire pour protéger le troisième âge des dangers de la route ? Il faut refaire un peu de pédagogie, pour mettre à jour leur connaissance des règles de conduite. Parfois, ce sont les enfants qui insistent, pour que leurs aînés prennent quelques heures de cours de conduite. « Mais ça reste vraiment anecdotique, relativise Valérie Dry-Ramirez. Le plus souvent, des conférences sont organisées, par les écoles de conduite ou par des sociétés d’assurance, pour que les seniors se rencontrent et discutent de leurs habitudes au volant. »
Depuis 2016, la préfecture du Bas-Rhin a elle aussi mis en place des modules pédagogiques du même acabit, pour inciter les usagers seniors « à adapter leur conduite en fonction de leur vulnérabilité. » En s’appuyant sur un réseau de bénévoles, et avec l’aide d’inspecteurs de la conduite, Antoine Klis organise chaque année trois à quatre modules à Strasbourg et dans tout le département. Au programme de ces réunions : simulations de conduite pour tester les temps de réactions, examens fictifs du code de la route. Tout est fait pour mettre à jour la conduite des plus âgés.
Car les seniors se sentent concernés par leur conduite. « Très souvent ils appréhendent de prendre le volant, explique Valérie Dry-Ramirez, et quand ils se retrouvent dans une situation qu’ils ne maîtrisent pas, ils paniquent. » Alors l’objectif est de les amener à adapter leurs habitudes de conduite à leur rythme de vie : « On essaie par exemple de leur faire comprendre que ça peut être dangereux d’aller chercher son pain ou d’aller chez le boucher à huit heures du matin, parce que c’est l’heure où il y a le plus de monde sur les routes. »
Les personnes âgées ne sont pas vulnérables uniquement lorsqu’ils sont derrière le volant. Les piétons sont aussi largement touchés par la violence routière : un tiers des piétons décédés dans le Bas-Rhin depuis 2016 étaient des seniors.
Matthieu Le Meur