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18/02/15
16:42

Libye, le chaos permanent

Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit mercredi pour réfléchir à la possibilité d'une intervention militaire en Libye, alors que le récent assassinat de 21 coptes égyptiens, suivi d'un raid égyptien dans l'est du pays, illustrent l'instabilité sécuritaire et politique toujours croissantes dans le pays.

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Un combattant de Fajr Libya, lors de combats au sud-ouest de Tripoli le 21 octobre 2014. (Photo AFP: Mohammed Turkia)

La Libye est à l'ordre du jour, mercredi, du conseil de sécurité de l'ONU. Les quinze membres de l'institution se réunissent à New York pour discuter de la situation dans le pays après la demande égyptienne d'une intervention internationale. Enlisée dans une complexe lutte de pouvoir, la Libye semble loin d'une sortie de crise et la situation prend un tournant encore plus tragique avec l'émergence dans le pays de l'organisation Etat islamique (EI). Sa branche libyenne a montré brutalement son visage au monde dimanche, en publiant la vidéo du meurtre de 21 chrétiens coptes.

"Ce qui se passe en Libye va transformer ce pays en un terreau qui va menacer l'ensemble de la région, pas uniquement l'Egypte mais aussi le bassin méditerranéen et l'Europe" a prévenu le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi. L'Italie, prête à s'engager militairement dans le cadre de l'ONU, a appelé l'Egypte à ne pas céder à "l'hystérie et une réaction déraisonnable". Mais les principaux pays européens et les Etats-Unis ont réaffirmé mardi la nécessité d'une "solution politique" en Libye.

Quelle est la situation politique en Libye ?

L'expansion de l'EI en Libye s'ajoute au chaos généré dans le pays depuis plus de six mois par l'affrontement entre deux gouvernements qui se disputent la légitimité du pouvoir. Le Parlement issu des élections de juin 2014, reconnu par la communauté internationale, s'est réfugié à Tobrouk dans l'est du pays après son invalidation par la Cour suprême libyenne. Soutenu par l'Egypte et les Emirats arabes unis, son puissant leader militaire, l'ancien général Khalifa Haftar, dirige une opération contre les islamistes de tous bords, depuis mai 2014. Il avait appelé en octobre à "l’insurrection populaire armée contre le terrorisme".

Parallèlement, le Congrès général national, composé de puissants groupes islamistes parmi lesquels Fajr Libya (Aube de la Libye), contrôle la capitale historique Tripoli et la ville emblématique de Benghazi. Son "Premier ministre", Omar Al-Hassi, était la principale cible de l'attaque de l'EI contre l'hôtel Corinthia à Tripoli le 27 janvier. Fajr Libya ne reconnaît pas l'EI et compte le déloger de son territoire.

Quelles solutions sont envisageables pour résoudre le conflit ?

Le 27 janvier, Bernardino Leon, le diplomate missionné en Libye par l'ONU, clôturait la rencontre à Genève d'une partie des factions rivales dans la crise qui secoue le pays, en vue de former un gouvernement d'unité nationale. Mais en l'absence de représentants du Conseil national général de Tripoli, aucune avancée concrète ne s'est profilée. Tout au plus, un communiqué annonçait qu'un accord avait été trouvé sur "la nécessité de trouver des arrangements sécuritaires afin de cesser les hostilités". Une nouvelle réunion doit avoir lieu dans les prochaines semaines, mais un accord sur une sortie de crise reste peu probable.

Mais une intervention militaire est risquée, affirme Fabrice Balanche. "On interviendrait pour soutenir qui ? Questionne le directeur du Groupe de recherches et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient. Lors de l'intervention de l'Otan en 2011, on soutenait les opposants à Kadhafi, mais maintenant, quel serait le but, qui a la légitimité d'exercer le pouvoir en Libye ?"

Abdelkader Kadoura, membre élu de la commission de rédaction de la constitution dont il préside le comité en charge du pouvoir local le rappelle sur sa page Facebook: "Le pouvoir local est la base de la construction de l’État en Libye. On ne peut en effet comparer la Libye avec aucun autre pays, système politique ou juridique, car notre pays, volontairement ou non, s’est constitué autour du caractère tribal et régional et c’est une chose que l’on ne peut négliger, que ce soit dans une perspective politique islamique ou séculaire."

D'où viennent les djihadistes libyens de l'EI ?

Basés dans leur fief de Derna, ville côtière de l'est du pays, les miliciens du Conseil consultatif de la jeunesse islamique ont prêté allégeance à la pieuvre djihadiste d'Abou Bakr al-Baghdadi à l'automne dernier. Profitant de l'instabilité politique, ils ont commencé à s'étendre. La semaine dernière, ils ont pris possession des bâtiments administratifs de Syrte, entre Benghazi et Tripoli, et diffusent sur la radio locale les diatribes extrémistes d'al-Baghdadi. A Nawfaliyah, à 160 km au sud de Syrte, ils ont paradé la semaine dernière avec une centaine de pick-up armés et tué trois miliciens de Fajr Libya. En réponse, Fajr Libya affirme avoir positionné mardi près de 2 800 combattants autour de Syrte pour y rétablir sa légitimité.

Pour Fabrice Balanche, la puissance de l'EI en Libye est surestimée. "Il ne faut pas croire qu'on fait face à une expansion de l'EI comme en Syrie ou en Irak. C'est surtout aujourd'hui un mouvement qui a le vent en poupe, Al-Qaida se faisant discret depuis quelques années. Certains groupes rebelles libyens ont profité de ce prestige pour passer du statut de bande de brigands à celui d'organisation internationale organisée."

Composés d'un peu moins d'un millier de combattants, la plupart ayant fait un passage sous le drapeau noir de l'EI, les djihadistes du Conseil consultatif de la jeunesse islamique ont néanmoins le pouvoir d'accentuer la déstabilisation de la région.

Quel sont les enjeux de la lutte de pouvoir ?

Le théâtre libyen, composé d'une multitude de clans affiliés à de grandes tribus, est complètement morcelé. Après la chute de Kadhafi, en 2011, la plupart de ces tribus se sont repliées sur leur identité primaire, plus ou moins sensibles aux revendications politiques des parlements de Tripoli et de Tobrouk.

D'après Fabrice Balanche, le principal enjeu reste le contrôle des réserves pétrolières du pays, surtout concentrées en Cyrénaïque, la région de l’est de la Libye à l’origine de l’insurrection anti-Kadhafi. "Le pétrole est à l'Est, et la capitale à l'Ouest. Kadhafi a beaucoup négligé la Cyrénaïque, profitant de son pétrole pour enrichir Tripoli. Aujourd'hui, l'Est veut garder la pouvoir et le contrôle des réserves", explique le chercheur.

Les différents groupes armés évoluant dans la région concentrent effectivement leurs actions autour des terminaux pétroliers et des oléoducs et tentent de contrôler la production et l'exportation. Début février, les forces de Tobrouk et Fajr Libya s'affrontaient encore pour le contrôle des ports pétroliers libyens d'Es Sider et Ras Lanouf, et du champ pétrolier de Mabrouk, tous dans la région de Syrte. Résultat : la production est passée de 1,4 million de barils par jour avant la chute de Kadhafi à 400 000 début 2015.

Rémi Carlier

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