Le temps est aux économies. Dans les services publics, le personnel de nettoyage est le premier touché par l'externalisation. A Hautepierre et Schiltigheim, des agents d'entretien hospitaliers se mobilisent.
Une centaine d'agents des services hospitaliers qualifiés (ASHQ) étaient en grève mardi. Christophe Gautier, directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg, rappelle qu'"il n'y aura pas de suppressions de postes". (Photos Cuej / Julien Pruvost)
Le privé appelé au secours des finances publiques. A Strasbourg, les administrations font de plus en plus appel à des sociétés privées pour remplacer leur personnel à moindre coût. C'est le cas, notamment de la Ville, qui a déjà confié l'entretien de certaines écoles élémentaires à un prestataire. Les hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) souhaitent aussi s'engager dans cette voie.
Mardi, jour du comité technique d'établissement entre les syndicats et la direction, deux intersyndicales appelaient à la grève des agents des services hospitaliers qualifiés (ASHQ). D'un côté la CGT-FO-UNSA-SUD, de l'autre la CFDT-CFCT. A l'occasion du comité, une centaine de personnes a investi les locaux pour protester. Le comité a émis un avis consultatif, défavorable au projet de test d'externalisation des services d'entretien, aux pôles de gynécologie-obstétrique et pédiatrie de Hautepierre et au Centre médico-chirurgical obstétrical de Schiltigheim (CMCO). C'est un moyen pour la direction "d'optimiser" l'organisation du travail en pleine période de disette budgétaire. Comme le rappelle la CFDT, le nettoyage des communs est confié, depuis quatre ans, au secteur privé.
Valoriser leur savoir-faire
Les ASHQ sont, pour la plupart, des femmes. Certaines occupent ce poste depuis trente ans. Même si elles ne risquent pas de perdre directement leur emploi, elles s'inquiètent de l'avenir de leur profession et de la reconnaissance de leur savoir-faire. "Les gens ne savent pas ce qu'on fait, estime Alix(*), une des employées concernées. On passe plus de temps dans les chambres que les infirmières. On donne des coups de main aux aides-soignantes. Nous savons quels produits utiliser pour ne pas poser de problèmes sanitaires."
Christophe Gautier, directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg, affirme que les nouveaux agents venus du privé respecteront eux aussi les protocoles sanitaires. "C'est exigé par le cahier des charges. Il y aura les mêmes exigences." Selon lui, "personne ne va perdre son emploi. Il ne faut jamais perdre de vue que nous avons à faire à des titulaires de la fonction publique, qui gardent leur poste." Les HUS comptent environ un millier d'agents d'entretien. La CFDT évoque plusieurs CDD non-renouvelés mais la direction assure que l'intégralité des 127 agents concernés par cette expérimentation est composée de titulaires. Parmi eux, une vingtaine de personnes sera réaffectée à de nouveaux postes créés pour l'occasion : à mi-chemin entre le nettoyage et l'hôtellerie. Certains départs à la retraite ne seront pas renouvelés. Les autres seront transférés dans d'autres services. Pour ce faire, des entretiens individuels sont organisés. L'externalisation sera effective en mai.
Une autre question est de savoir si les agents privés passeront autant de temps dans les locaux. Sans oublier que ces salariés pourraient travailler dans plusieurs services durant la même journée. Autrement dit, faire autant que les ASHQ, mais en un temps réduit. "On les plaint les personnes du privé qui nous remplaceront", s'exclame Alix.
La crainte de nouvelles externalisations
Les moyens de pression dont disposent les ASH restent limités. Paula Da Silva, secrétaire de section à la CFDT, syndicat majoritaire des HUS, dénonce le fait que "les agents peuvent difficilement faire grève à cause du service minimum". Mardi, les effectifs étaient identiques à ceux d'une journée normale. Les termes "assignés mais solidaires", inscrits sur leurs tenues, étaient le seul moyen de reconnaître les grévistes. "Dans les faits, c'est comme s'il n'y avait pas de grève, explique Alix. On doit travailler quand même. Pour protester, les filles qui étaient de service ce matin ont servi les repas mais n'ont pas fait le ménage dans les chambres. L'après-midi, bien sûr, on a nettoyé à fond."
Pour la CFDT, pas de doute : ce test constitue les prémisses d'un élargissement à d'autres secteurs. Christophe Gautier, le directeur, martelle : "Il faut être pragmatique dans la vie. Les meilleures organisations possibles méritent d'être testées et évaluées. Et si ça marche, c'est très bien. Ce n'est qu'une expérimentation d'une forme alternative d'organisation dont on peut espérer qu'elle puisse être vertueuse. Si elle ne l'est pas, j'ai pris un engagement très clair de retour à la situation antérieure." Et même si le test s'avérait concluant, la direction renoncerait-elle à généraliser l'externalisation ? "Mais oui. C'est exactement ce que je vous dis. (...) Après, ce que seront les politiques publiques dans 10 ans, 15 ans, moi je n'en sais rien."
(*) Le prénom a été modifié.
Gabriel Pornet et Julien Pruvost