Depuis 1979 et l'accident à la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie, l'énergie nucléaire est délaissée aux Etats-Unis. Jeudi, le 9 février, les autorités fédérales américaines ont brisé un tabou en autorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Avec les deux nouveaux prévus pour 2013 et 2014, il y a aura 106 réacteurs aux Etats-Unis. (Photo: Jean-Louis Zimmermann )
Les Etats-Unis relancent leur production nucléaire. La Commission fédérale de régulation du nucléaire (NRC), malgré l'opposition de son président, a approuvé jeudi une résolution autorisant " la construction et la mise en service des réacteurs trois et quatre de Vogtle ", centrale atomique située en Georgie. Il s'agit là des deux premiers réacteurs dont la NRC autorise la construction depuis l'aval qu'elle avait donné en 1978 à celui de la centrale de Shearon Harris en Caroline du Nord (Sud-Est). Avec l'accident de Three Mile Island un an plus tard, l'essor de l'industrie nucléaire américaine avait été stoppé net.
La centrale atomique de Vogtle, située en Géorgie et exploitée par la société Southern Nuclear, dispose déjà deux réacteurs qui fonctionnent depuis 1987 et 1989 et qui n'ont jamais connu de souci majeur. Les deux nouveaux réacteurs, qui devraient voir le jour respectivement en 2016 et 2017, sont des AP1000 mis au point par le groupe japonais Toshiba et sa filiale américaine Westinghouse. D'une puissance de 1154 Méga Wh, selon son constructeur, l'AP1000 est un réacteur de troisième génération à eau pressurisée. Il a reçu la certification de la NRC pour le marché américain en décembre. Cet accord permet en réalité à Southern Nuclear d'achever des travaux déjà bien entamés. Le projet d'agrandissement de Vogtle représente un investissement de plus de 14 milliards de dollars et pourrait entraîner "4.000 à 5.000 emplois au moment du pic de l'activité sur le chantier", selon l'entreprise.
La Commission de régulation du nucléaire (NRC) a certes autorisé la construction de deux nouveaux réacteurs mais l'accord a été signé en dépit de l'avis de son président. « Je ne peux pas soutenir la délivrance de cette autorisation comme si Fukushima n'avait jamais eu lieu », or "à mes yeux, c'est ce que nous sommes en train de faire", a déclaré Grégory Jaczko. Celui-ci a indiqué qu'il voulait lier la licence accordée à Southern Nuclear à un "engagement irrévocable" de cette dernière à achever, avant la mise en service, "les améliorations" qu'elles a prévues pour tenir compte de ce qui s'est passé à Fukushima. Les quatre autres membres de la commission ont estimé que cela "ne changerait en rien la sûreté de fonctionnement des nouveaux réacteurs". "Il n'y a aucune amnésie individuelle ou collective" à propos de Fukushima, a ainsi affirmé l'une d'entre eux, Kristine Sviniki: "La prise en compte de ces événements par la NRC et les réponses que celle-ci a apportées sont établies et bien avancées". Depuis plusieurs années, il y a aux Etats-Unis une véritable volonté politique de relancer l'industrie nucléaire. Le gouvernement du président George W. Bush (2001-2009) et celui de son successeur Barack Obama ont en effet pris plusieurs mesures en ce sens. Ces efforts se heurtent cependant à plusieurs obstacles, de nature politique avec l'arrivée d'une majorité républicaine peu favorable au nucléaire à la Chambre en 2011, et économique avec la concurrence du gaz, en plus de ceux liés à la perception du nucléaire dans l'opinion publique depuis Fukushima.
L'accident qui s'est produit le 28 Mars 1979 en Pennsylvanie est encore dans bien des esprits de l'autre côté de l'Atlantique. Ce jour-là, à la centrale de Three Mile Island, un dysfonctionnement du système de refroidissement avait provoqué une fusion partielle en bas du cœur du réacteur et entraîné le déversement d'une importante quantité de radioactivité . L'industrie nucléaire affirme que cet accident n'a provoqué ni décès, ni blessures ou effets néfastes. Des informations contestées par une étude de l'Université de Caroline de Nord qui indique que le cancer du poumon et les taux de leucémie ont été deux à dix fois plus élevé après l'accident. Dans tous les cas, l'incident a été largement diffusée et a profondément marqué l'opinion publique américaine.
L'Amérique n'a pas arrêté son programme nucléaire avec Three Mile Island. Avec 807,1 tera Wh (807 100 milliards de Watt heure) en 2010, les Etats-Unis sont les premiers producteurs mondiaux d'électricité nucléaire au monde. La France, deuxième du classement, en produit environ la moitié (410,1 Twh en 2010). Selon les chiffres du gouvernement américain relayés par l'AFP, il y a 104 réacteurs en service dans le pays qui ont produit 20 % de l'électricité du pays en 2009, contre 23 % pour les centrales au gaz. Les centrales au charbon sont elles les principales sources d'énergie, avec près de la moitié de la production (45 %).