Toni Vetrano est le grand favori des élections à la mairie de Kehl, ce dimanche. Nous l'avons rencontré pour parler coopération transfrontalière. Avec lui, la relation entre Strasbourg et la ville allemande n'a a priori pas de soucis à se faire.
Toni Vetrano, marié et père de trois enfants, dans un café au centre-ville de Kehl. (Crédit photo : Verena Hölzl)
Strasbourg ? "Vous savez, j'ai deux jeunes filles à la maison. Je connais donc forcément très bien Rivetoile, le centre commercial." Toni Vetrano pourrait bientôt encore mieux connaître la capitale alsacienne : il est le candidat favori à la mairie de Kehl.
À l'occasion du premier tour des élections, début février, Vetrano a largement devancé les autres candidats - avec 47,6% des voix, il n'a néanmoins pas atteint la majorité absolue. La seconde manche se tient ce dimanche avec, face à lui, la sans étiquette Katja Heinsch, qui se présente uniquement, selon ses propres dires... pour lutter contre l'abstention des Kehlois - près de 60% au premier tour.
La criminalité importée, problème majeur à Kehl
Fort probable alors que Vetrano, à la moustache grise et aux yeux marron-foncé, va devenir le futur interlocuteur des politiques strasbourgeois en matière de projets transfrontaliers. Et ces derniers ne manquent pas. La prolongation de la ligne D du tram de par le Rhin, d'abord, "un projet d'une grande valeur symbolique" pour Vetrano, qui fait partie de la génération qui a connu "les soldats armés et le poste de douanes à la frontière".
Pourtant, le tram ne fait pas l'unanimité parmi les Kehlois. D'un côté, les pourfendeurs du projet craignent des coûts bien plus élevés que prévu. De l'autre, ils redoutent l'arrivée "d'encore plus de racaille" à Kehl. La "criminalité importée", Vetrano ne la nie pas. Et d'ajouter : "Il faut bien se rendre compte qu'elle ne va pas forcément diminuer dans les années à venir. C'est comme ça dans les grandes agglomérations."
En filigrane, Toni Vetrano pointe le manque de personnel de sécurité. "Kehl est considéré comme ville de moyenne taille sans impliquer sa situation à côté d'une grande ville". Pour lutter contre la criminalité, souvent liée aux casinos qui sont davantage permis en Allemagne, il compte sur des règles régionaux.
Grande agglomération
Une des questions majeures qui se pose en matière de développement de Kehl est sa position par rapport à Strasbourg. "Kehl est une ville de taille moyenne dans la région de l'Ortenau qui profite de Strasbourg et de toute l'Alsace. On profite de l'opéra, de l'aéroport – infrastructures que l'on ne pourrait pas s'offrir", explique-t-il. La coopération avec "les amis français" est une évidence pour Toni Vetrano : "Dans un monde où le continent européen est en perte de vitesse par rapport aux autres, les agglomérations européennes sont une nécessité. Et ça me réjouit."
Pour lui, gérer des projets transfrontaliers n'est pas si différent de la politique locale. "Chez moi, les villages deviennent vite jaloux les uns des autres quand un d'entre eux reçoit plus que l'autre", explique celui qui est actuellement maire de Durbach, petite commune de 4 000 habitants située dans l'Ortenau.
Diplomatique avec du charisme
Administrer Kehl et ses 35 000 d'habitants est ainsi un vrai défi pour ce quinquagénaire. Lorsqu'il traverse à pieds le centre-ville, les gens sont nombreux à lui souhaiter bonne chance. "Mon fils et le vôtre étaient en classe ensemble", lance une habitante en lui tapant sur l'épaule. La personnalité du candidat, souriant, charismatique, l'aide à compenser son défaut de ne pas résider à Kehl.
Et quand le futur maire de Strasbourg appellera le futur maire de Kehl, saura-t-il lui parler en français ? "Pour aller boire un café, je peux m'en sortir. Mais pour signer des contrats, je préfère avoir un traducteur avec moi."
Verena Hölzl