Le recteur de l'académie de Strasbourg, Jacques-Pierre Gougeon, annonce l'ouverture de 60 classes bilingues dans le premier degré à la rentrée 2014. Il n'a rien précisé par contre sur le manque d'enseignants qualifiés pour donner des cours en allemand.
En Alsace, 12 % des élèves en maternelle et primaire sont inscrits en classe bilingue paritaire. Dans ce cursus, l'enseignement est dispensé dans les deux langues, 12h en français et 12h en allemand par semaine. Une organisation qui nécessite deux enseignants et c'est là que le bât blesse. L'académie de Strasbourg a des difficultés à trouver suffisamment d'enseignants pour dispenser les cours en allemand. Pour pourvoir les postes vacants dans le premier degré, l'Éducation nationale a recours à des contractuels mais aussi à des enseignants d'outre-Rhin. Pour les contractuels embauchés en CDI, il leur est proposé de passer un concours interne afin d'intégrer l'éducation nationale. Les enseignants allemands, eux, viennent exercer dans les écoles alsaciennes en attendant d'avoir un poste chez eux.
L'ESPE (Ecole supérieure du professorat et de l'éducation, anciennement IUFM) propose la formation d'enseignants bilingues depuis la création de l'IUFM il y a une vingtaine d'années. Et pourtant, la spécialisation est encore mal connue, certains pensent même qu'il s'agit de bilinguisme français-alsacien. Chaque année, entre trente et cinquante enseignants sont admis au concours, alors que pour assurer les cours en allemand de soixante classes bilingues il faut trente professeurs des écoles, sans compter le remplacement des départs en retraite et les mutations.
Pénurie d'enseignants bilingues au collège
À l'entrée en sixième, les élèves inscrits dans des écoles bilingues sont censés poursuivre ce cursus. Au collège, cela se concrétise par l'enseignement de deux matières exclusivement en allemand. Le choix de ces dernières se fait bien souvent en fonction des enseignants certifiés bilingues présents dans l'établissement. Au collège Foch à Strasbourg par exemple, les élèves bilingues suivent des cours d'histoire-géographie et de mathématiques dans la langue de Goethe. Le manque de moyens humains pour assurer ces cursus se retrouve également dans le second degré. Les enseignants doivent avoir, en plus du CAPES, une certification complémentaire « enseignement en langue étrangère dans une discipline non linguistique ».
Youcef Slamani, principal du collège Foch à Strasbourg s'inquiète de savoir « s'il y a un vivier d'enseignants suffisant pour assurer la continuité du cursus bilingue au collège ». Augmenter le nombre de classes bilingues en primaire, comme l'a annoncé le recteur d'Académie, n'est donc pas suffisant pour promouvoir ces filières. Anita Marchal, chargée des langues vivantes à l'inspection académique de Strasbourg, explique le chiffres de soixante classes supplémentaires : « Il y aura certes quelques nouveaux sites qui seront ouverts, mais l'augmentation s'explique également du fait de la montée en charge du nombre d'élèves du fait du passage dans la classe supérieure ».
Une déperdition du nombre d'élèves à l'entrée au collège
Entre le CM2 et la sixième, un certain nombre d'élèves abandonnent la filière bilingue. Un abandon qui s'explique par une inquiétude quant à la charge de travail ou la peur des parents de ne pas pouvoir suivre leurs enfants (s'ils ne sont pas eux-mêmes bilingues). Ainsi, au collège, seuls 4,4 % des élèves sont en cursus bilingue, 3,7 % au lycée. Ce à quoi il faut ajouter les filières bilangues (enseignement de l'anglais et de l'allemand dès la sixième) ou internationales (enseignement renforcé d'une langue).
Il faut cependant relativiser ces chiffres, puisque les inscriptions dans les écoles bilingues en maternelle sont en hausse, une hausse qui sera visible dans les années à venir dans les classes supérieures.
Gwladys Porracchia