Les Rafale n’ont pas encore été tous livrés mais leur successeur pointe déjà le bout de son nez. Le Scaf, c’est son nom, sera franco-allemand. Florence Parly, ministre des Armées et Ursula Von Leyen, son homologue allemande signent mercredi 6 février, les premiers chèques pour le développement de l’appareil.
Le successeur du Rafale sera plus gros mais plus furtif. /Clemens Vasters
Le futur avion de combat européen (Scaf) prend doucement son envol entre Paris et Berlin. Ce mercredi 6 février, Florence Parly la ministre des Armées et Ursula Von Leyen, ministre de la Défense allemande étaient dans l’usine Safran de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) pour signer les premiers financements de l’appareil dont la mise en service est prévue entre 2035 et 2040. Le montant des contrats dépasse les 100 millions d’euros.
«C’est surtout la volonté d’arriver à une collaboration franco-allemande qui permet au projet d’avancer», analyse Philippe Gros, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique. Dès 2017, Emmanuel Macron, fraîchement élu, et Angela Merkel se sont dit favorables à un avion de combat européen. L’entreprise française Dassault s’est alliée sur ce projet avec Airbus, le géant européen de l’aéronautique. D’autres entreprises se sont depuis agrégées au projet comme le motoriste français Safran.
Pour éviter de perdre du temps, chaque industriel s’occupera de ce qu’il sait le mieux réaliser. «Le risque c’est que les deux pays ne s’entendent pas sur la stratégie industrielle, prévient Philippe Gros. Les besoins des deux pays peuvent diverger en terme de design ou de motorisation.»
En clair, l’Europe de la défense est encore loin car chaque pays garde sa propre doctrine militaire. La preuve, plusieurs membres de l’Union européenne ont déjà choisi le F35 américain pour remplacer leurs vieux appareils, dont l’Italie ou la Belgique. «Le F35 tient toutes ses promesses, assure Philippe Gros. Il a une génération d’avance sur ses concurrents.» Pour le chercheur, l’urgence à collaborer entre la France et l’Allemagne est surtout industrielle. Il faut conserver les compétences techniques du vieux continent et les emplois qui y sont liés.
23 ans pour aboutir à une mise en service
«Les armées des deux pays doivent commencer à trouver un successeur à leurs chasseurs actuels», explique Philippe Gros. Le développement d’un avion prend du temps. Il s’est écoulé 23 ans entre les premières ébauches du Rafale et sa mise en service et près de 19 ans pour le F35, son concurrent américain.
«Technologiquement le Scaf dépassera les meilleurs avions de combat dans tous les domaines», poursuit Philippe Gros. Le futur appareil sera très différent des machines actuelles. Plus gros, il sera un centre de commandement volant, «un système de systèmes» selon l’armée de l’air. Le Scaf ne volera pas seul, il travaillera en équipe avec des drones de plusieurs types selon la mission. On ne demandera plus au pilote d’être un chevalier du ciel mais de savoir gérer les interactions entre les différentes machines.
Dernière interrogation, la question nucléaire. Eric Trappier, le PDG de Dassault a récemment indiqué que l’avion ne serait pas équipé pour transporter une bombe nucléaire. La France devra donc conserver des Rafale pour cette mission. Du côté allemand, la question se pose si le pays veut continuer d’assurer la dissuasion nucléaire au sein de l’OTAN. Les américains n’ont pas manqué l’occasion pour tenter de vendre, sur le fil, leur F35, compatible pour cette mission. Malgré l’insistance de ses généraux, Angela Merkel n’a pas cédé sur la question.
Thibaut Chéreau